Agent de surveillance
Ils sont entrés comme des furieux dans la cabine de télésurveillance. Un type taillé comme une armoire à glace m’a saisi par les épaules, a fait pivoter mon fauteuil comme une toupie et m’a hurlé dessus. Je me suis endormi, parait-il. Pas possible, avec toute la caféine et le Redbull que j’ai dans le sang, je suis une pile électrique. Comment ils le savent d’ailleurs ? Un autre agent de surveillance me surveillait pendant que je surveillais la bicoque au fond des bois. On n’est jamais assez prudent… La preuve ! Pendant que je m’étais assoupi, un homme est soit disant entré dans le champ de vision de la caméra cachée dans l’œil d’un corbeau. Et alors ? Et dire que j’avais loupé l’Evénement. Heureusement que l’autre agent ne dormait pas et qu’il a donné l’alerte. Au secours, 1984 est de retour ! On devient fou. Quel boulot de merde et mal payé avec ça. Une journée de travail à surveiller 24h/24 une cabane dans une forêt, puis une journée de repos et rebelote. Je voudrais les voir, moi. Les yeux explosés comme un lapin russe à force d’être fixés sur l’écran. Tu verras, y a pas plus tranquille comme travail. Tu parles…Un rat mort s’ennuierait moins que moi. A part des arbres et encore des arbres, une cabane tellement banale qu’elle a l’air fausse et des bestioles qui traversent le champ de la caméra, il ne se passe RIEN. 24 heures devant Rien ! Il y a de quoi devenir cinglé. J’attends, quoi au juste ?
Ils m’avaient prévenu. Pas de livre ni de téléphone ni d’Internet. Tu surveilles et tu nous appelles s’il se passe un truc. Un truc ! Quoi, comme truc ? Surtout, ne t’endors pas, sinon… Sinon, quoi ? Je vais louper l’arrivée des 7 nains ? Mais, il y a quoi dans cette fichue cabane ? Tu crois que je n’ai pas rêvé de voir la porte s’ouvrir, même un tout petit peu.
Regarder un écran et garder ton boulot, même ça tu n’en es pas capable va me dire Hélèna. Je suis mal.
Franchement, ça ne méritait pas le conseil de discipline. Ce n’est pas une affaire d’état. Si ?
Femme du quelqu’un qui arrive quelque part
Attendez, madame, votre mari est majeur, on ne peut pas lancer d’avis de recherche dans l’intérêt des familles. Attendez encore quelques jours !
Attendre, attendre, je ne fais que ça depuis 3 jours, je vais devenir folle
Taisez-vous, laissez-moi réfléchir
Il est où papa ? Quand est-ce qu’il va revenir ?
Tu n’as rien vu venir ?
C’est sûr, il va revenir, ne t’inquiète pas.
Il avait besoin d’air c’est tout.
C’est clair, il aurait pu te prévenir de son départ ?
Tu sais, les hommes c’est comme ça, ils partent, il reviennent.
Tous, des salauds, moi je te le dis
La queue entre les jambes qu’il rentrera à la maison
Tu as pensé à prévenir la police ? Et un détective privé ?
Tu as appelé sa famille, ses frères et sœurs, son travail, ses amis ?
Tu penses qu’il est parti pour une autre femme ?
Tu es bien sûre que tu n’as rien vu venir ?
Tu as fouillé son ordinateur ?
Tu n’as pas son mot de passe ? Ah bon ?
Quelles affaires a-t-il pris ?
Si un homme ne prend qu’un sac de sport, c’est qu’il n’avait pas l’intention de partir longtemps
C’est un leurre
Est-ce que papa est un agent secret ?
Et les hôpitaux, tu as pensé à faire le tour des hôpitaux ? On ne sait jamais
Un enlèvement ?
Si tu as besoin d’argent pour payer la rançon, n’hésite pas. Enfin, tout dépend de la rançon bien sûr.
Et son compte en banque, tu as regardé les mouvements ?
Il a bien dû laisser un mot d’explication quelque part. Tu as bien regardé partout, même sous les tapis ?
Qu’est ce qui peut bien pousser un homme, marié, père de 2 enfants, ingénieur dans une grande compagnie pétrolière à quitter brusquement sa famille ?
Tu veux que je l’attende avec toi ?
Non, taisez-vous, les voix
Boule dans le ventre, je veux l’attendre seule.
L’auteure de quelqu’un arrive quelque part ne sait pas trop où elle en est mais a bon espoir.
Qu’est ce qui peut bien pousser un homme, marié, père de 2 enfants, ingénieur dans une grande compagnie pétrolière à quitter brusquement sa famille ?
Je me le demande. Et d’ailleurs, ça me triture les méninges.
Il ne faut pas que j’y pense a dit F.B. Du monologue intérieur, rien que du monologue. Ne t’occupe pas de l’histoire ni de la cohérence pour l’instant, ça viendra. Ne sois pas impatiente. Pas de ma faute si je mets toujours la charrue avant les bœufs. Faut laisser le texte maturer, prendre des chemins de traverse. Explore ta langue, tourne là 7 fois dans ta bouche. Je me sens comme une funambule. J’avance sur un fil, bras en balancier. Au-dessous, des images, des mots, des idées tendent vers moi leurs petites mains avides qui cherchent à m’agripper les chevilles en se faisant la courte échelle. Je ne dois pas regarder en-dessous. Juste une ligne après l’autre.
Respire et attends.
Ah quelle mise en abyme audacieuse… ça se dévore !!
En espérant ne pas sombrer dans l’abyme à mon tour.
Merci !
Solidaire !
Sinon, ça marche bien, ces monologues… (j’aurais juste tout rassemblé en un bloc de texte pour la Femme de quelqu’un etc.), donc, on respire de notre côté, et on attend pareil !
Angoissant…
hâte de connaître la suite
rester dans ce même élan de mots