Lacets croisés comme, en Basse Saxe, le bois sur les façades des maisons à colombages. Lacets plats comme des haricots cocos, sans la dentelle rudimentaire du croisillon. Et les trop courts, qu’on tire dessus avec les mains pour quand même serrer le pied. Ceux qu’on refait sur une jambe, héron de lagune et goudron. Petits lacets chagrins devant l’école, de mère à soulier pointure 32, pour, en nouant les pieds jusqu’à les coucher nus à la sieste et la paire au bout du tatami, un peu dénouer le cœur. Lacets rigides des chaussures de montagne, à pas passer repasser dans des œillets, mais glisser dans des encoches de ferraille, et qui accomplissent, sur le minuscule flanc du pied, la même chorégraphie qu’aux ubacs et adrets, d’escalader ventre contre falaise, avec un baudrier. Vieux lacets de vieilles Converses et mille flaques. Lacets fluorescent des filles cheveux jaunes et turquoise, qui sortent de la petite échoppe mangaka. Un jour, dans sa cellule, le prisonnier fait ses lacets autour de son cou. Pas de lacets, sur les morts -ou des de présentation, qui juchent la chaussure comme un nœud papillon, sans serrer la cheville, comme les cartes d’identités specimens dans les portefeuilles tout neufs.
Les lacets des chaussures, les lacets des chemins, de la vie, de la mort, les mots entrelacés.
Mais comme c’est joli ce regard là. Comment il marche pour capter ce monde là ? Il a une clef ? Il connaît Alice ?
tellement joli – magnifique et tragique – un peu comme elle (la vie)
Merci Milène, je ne m’en lasse pas. Pas plus universel qu’un lacet.
Je découvre ce beau texte alors que j’ai aussi choisi d’écrire sur les lacets… troublant ces fils qui s’entremêlent… Merci
Magnifique de densité ! Merci !!!!
« Vieux lacets de vieilles Converses et mille flaques »…J’aurais rêvé écrire cette phrase…C’est juste…Les images se suivent évocatrices, touchantes, laissant la place au lecteur. C’est ouvert et bienveillant, c’est riche et enthousiasmant !
Tout un art de l’image dans tes comparaisons Milène, c’est original et parlant tout à la fois. Bravo ! Tu vois ces associations ne me seraient sans doute jamais venues à l’idée…
Quant à ce passage : « petits lacets chagrins devant l’école, de mère à soulier pointure 32, pour, en nouant les pieds jusqu’à les coucher nus à la sieste et la paire au bout du tatami, un peu dénouer le cœur. « , il est tellement vrai ! Cela a provoqué une « bouffée d’enfance » avec ce souvenir de la petite et de la grande boucle… toute une aventure !