Pour finir, parce que cette phrase sur l’écriture m’est hier tombée dessus, je la transcris – vous le savez, j’adore les citations ! Mais de qui, mystère pour vous, si j’ai bien compris, je ne dévoile pas mes sources ! – : Fallait que je l’oublie cette journée . Perdu dix dollars au champ de courses aujourd’hui. Quelle chose inutile. Ferais mieux de me fourrer la queue dans une crêpe au sirop d’érable. Et là je me questionne : qu’est-ce que j’ai fourré, moi, dans ma crêpe en 900 et quelques mots ? Dans mon pot-pourri ?
Et dans une jonque descendre le Mékong avec Marguerite
Sur les traces de Stevenson, traverser une fois encore les Cévennes
Maxime le Forestier aussi, une maison bleue accrochée à ma mémoire, l’envie en ce temps de fermeture de retourner à San Francisco. Attendez-moi.
Ces voix anciennes qui m’habitent – la voix éraillée par l’alcool de Duras – celle d’Emmanuelle Riva, tu me tues, tu me fais du bien, j’ai le temps, je t’en prie dévore-moi (envie de relire Hiroshima, mon amour, plus de trente ans après ) – celle d’Anne Sylvestre qui chante Ma mère, une sorcière comme les autres – celle de Barbara Elle me suit, pas à pas, Elle m’attend devant ma porte, Elle est revenue, elle est là. La solitude, la solitude – et Ferré avec Aragon Est-ce ainsi que les hommes vivent – Tous/toutes les autres qui me fascinent toujours – et la voix de ma grand-mère qui m’a construite.
25 oct 1920. Mais pourquoi est-ce que je ressens cela ? Il suffit que je l’exprime pour que je ne le ressente déjà plus. Ma mélancolie s’amoindrit quand j’écris.
Définition, dans le Dictionnaire du diable, du Journal intime : relation quotidienne de cette part de l’existence que l’on peut se confier à soi-même sans avoir à en rougir !
4 avril 1967 – « Au-delà du Vietnam : le moment de briser le silence » :
Il est grand temps de passer d’une société orientée vers les choses à une société orientée sur les êtres. Si l’on pense que les machines et les ordinateurs, le profit et les droits de propriété sont plus importants que les personnes, alors le trio de géants – racisme, matérialisme et militarisme – est impossible à vaincre.
1967 : l’alerte est donnée, déjà.
Dans sa langue d’accueil, le français, exilée, elle témoigne avec rage, simplicité, amour aussi. Elle va nue la liberté / On brise ses pieds / mais elle avance./ On coupe sa gorge / mai elle continue à chanter.
Au moins 384 000 personnes ont péri en Syrie ( 500 000 peut-être), dont plus de 150 000 civils, depuis le début du conflit en mars 2011. Il a laminé l’économie et provoqué l’exode de plus de 11 millions de déplacés et de réfugiés, se pressant parfois aux portes de l’Europe. Des dizaines de milliers de disparus.
À La Grande Librairie, un extrait d’un film sur la Syrie sous les bombardements. Un père a inventé un jeu pour sa petite fille âgée de 4 ou 5 ans : tous les deux, on écoute, quand la bombe tombe, on va rire, bien fort. Des explosions proches. Dans les bras de son père, l’enfant rit aux éclats. Leurs deux visages joyeux réunis dans la tendresse.
Lecture du moment. Une fresque historique mais aussi un roman intime. Des allers-retours entre passé plus ou moins lointain et présent. Une histoire familiale qui m’a fait découvrir un autre pan de l’Italie et ses rapports avec l’Éthiopie. Je me suis confrontée à un pan terrifiant de notre époque dont je ne savais rien. 1936/1941 : la conquête de l’Éthiopie par Mussolini, violences et massacres. Ignorance et mensonges d’état. Ceux de Berlusconi plus tard. Aujourd’hui, ceux de L’Europe face au problème migratoire. Un parallèle entre le passé colonial et l’arrivée en Italie de migrants venant de la Corne de l’Afrique.
Deux humoristes. Une femme à l’apparence correcte, sage, trompeuse. Monologue décapant, des confidences sur sa vie de célibataire hétéro, la misère affective et sexuelle de notre société. J’ai retenu une phrase – enfin à peu près – sur les femmes blanches, hétéro, sous anxiolytiques : ce n’est pas une identité, c’est un cercueil. Pas de quartier sur la bêtise humaine, notre peur de la mort et de la solitude… Elle ose, n’essaie pas de plaire. J’aimerai écrire comme elle avec cruauté et drôlerie.
Un homme qui démarre son show à cheval. Il a l’allure d’un mec, le mâle alpha qui se soucie de son sexe. Soudain il se transforme en femme, comme ça, son corps qui se tient autrement, une expression, sa manière de jouer avec ses cheveux blonds, il est le même, il est autre, inattendu, drôle. Lui, Elle, ils détonnent, ils me font du bien.
Un autre regard. Émilien Long, prix Nobel d’’économie, est candidat à l’élection présidentielle 2022. Son programme : travailler 15 heures par semaine, compresser les salaires de 1500 à 6000 euros. Profiter de ce temps libre pour vivre autrement. Le droit à la paresse pour tous. Ni dans la flemme ou la mollesse ; mais dans la construction épanouie de notre rythme de vie. Et en fond la douceur de la calanque de Sormiou près de Marseille, un lieu de paix.
Love medicine. Des personnages fascinants, des femmes libres, des hommes faibles. Une histoire douloureuse : les blancs ont volé aux amérindiens leur terre, ils voudraient leur voler leur âme. Une écriture puissante, chamanique.
Ce livre, je l’ai lu lentement, j’ai savouré sa fraîcheur et sa poésie, cette recherche par l’adulte du négrillon qu’il était, dans son urgence à devenir grand : se situer dans le monde qui l’entoure, le déchiffrer, traverser des étapes de vie, et près de lui, sa mère, une force qui, à bout de mémoire, devient sa compagne de route. Toujours, et même à bout d’enfance, l’enfant est là.
Merci pour ces insolites, ces citations, surtout celle-ci, tellement vraie : « Mais pourquoi est-ce que je ressens cela ? Il suffit que je l’exprime pour que je ne le ressente déjà plus. Ma mélancolie s’amoindrit quand j’écris. » Beaucoup aimé !
Citation de Bukowski dans Factotum. Joli pot.
J’adore cette succession de fragments comme des images qui flottent. Une ambiance à la fois surréaliste et très actuelle. Et très questionnante.