Elle a la voix des humbles, au phrasé incertain , souvent suspendu. Les mots viennent comme retenus tant elle s’effraie de les entendre sonner. Elle aimerait n’avoir de voix qu’en rêve, des voyelles qui vibreraient en dedans et ne rencontreraient pas d’obstacle, des consonnes qui n’exploseraient que pour elle-même sans risquer d’offenser personne. Au lieu de cela sa voix est un silence empêché, une concession faite aux inévitables rencontres, un mutisme violé. Quand elle parle, elle contourne les consonnes trop dures, leur donne un aspect étrange d’air retenu et lâché à la fois, elle évite de faire sonner les voyelles, elle retient son souffle dans un effort incessant. Mais le plus souvent elle se contente d’un sourire déférent ou d’un mouvement de tête. Elle est comme une ombre qui se déplace à travers la maison.