Le prof
Il est assis sur un siège en bois muni d’accoudoirs, les étudiants face à lui. Son ordinateur relié par un câble HDMI au vidéoprojecteur qu’il a posé sur la table. Sur la gauche, son IPhone qui affiche notifications de mails, SMS et actualités. Il ne les lit pas, mais son regard est attiré occasionnellement par l’écran qui s’allume puis s’éteint automatiquement quelques secondes plus tard. Une séquence de cours répétée pour la onzième fois (Il a compté) depuis sept ans. Des hésitations calculées pour donner du naturel à cette parole qui pourrait être débitée pendant des heures sans aucune note, presque sans réfléchir. Une jolie étudiante sur la gauche. Un étudiant devant lui, inexpressif, absent. A l’extérieur, dans le couloir, des étudiants qui attendent pour entrer dans la salle d’à côté. A travers la porte, des cris et des rires.
La salle de cours
La salle est grande, prévue pour une cinquantaine d’étudiants. Ils ne sont qu’une trentaine . Au fond, sur le sol, un enchevêtrement de fils d’alimentation d’ordinateurs portables, de rallonges et de blocs de prises multiples raccordés aux deux uniques prises électriques de la salle. Un volet roulant est resté bloqué à mi-parcours, sa manivelle a été forcée. On ne l’a jamais connu autrement que cassé. Par la fenêtre ouverte, on entend le flot des voitures de l’A31. Au plafond, un vidéoprojecteur. Plus de budget pour remplacer la lampe. Il ne fonctionnait déjà pas l’année dernière. On ne le signale plus. A chaque début de cours, il faut récupérer un autre appareil auprès du service informatique, l’installer sur une table puis le ranger à la fin du cours et le rapporter.
Le bâtiment
Une construction des années soixante – soixante-dix. Un cube de béton posé au sol. Trois étages. Un toit en terrasse. De loin l’ensemble a encore bonne apparence. Plus on approche et plus on se rend compte que le bâtiment ne subit plus d’entretien courant. Il était autrefois revêtu d’un crépi bleu roi sur une hauteur de trois mètres. Aujourd’hui c’est un bleu délavé, dégueulasse. Le crépi est boursouflé par endroit, écaillé sur la majeure partie de sa surface. L’intérieur ne vaut pas mieux. Curiosité anachronique, un ascenseur a été ajouté il y a deux ou trois ans, au milieu d’une montée d’escaliers, cage de verre portée par une armature d’acier, accessible en pointant une carte magnétique. Au mieux deux ou trois personnes l’empruntent chaque jour. On en plaisante depuis : le coût de l’ascenseur doit représenter un an de dépenses de fonctionnement de la fac. C’est peut-être exagéré. Peut être pas. Personne ne le sait vraiment. La salle de cours est au deuxième étage.
Le campus
Le campus est formé d’une petite bande de terre ceinte par la Moselle qui en interdit l’accès. Seul point de passage : un pont situé dans le prolongement de la vieille ville. Toute la journée le mouvement de véhicules et de piétons ne cesse jamais. A dix-huit heures, le dernier cours achevé, tout s’arrête. Silence. En soirée, quelques passants. Le campus permet un raccourci entre le centre-ville et les quartiers nord. Les immeubles offrent des recoins et des caches à tout fantasme d’agression. On hâte le pas. Tellement de choses ont été dites à propos du campus le soir. Ce n’est que par obligation qu’on l’emprunte pour rejoindre la passerelle du pont de l’A31 qui l’enjambe à l’une de ses extrémités.
La ville
La cathédrale, masse grise en majesté, mastodonte de peu de grâce une fois digéré l’étonnement de la voir. Pourtant orgueil de la ville. Du campus, ses flèches émergent au-dessus des toits et des arbres avec une forme d’élégance certaine. Sa partie inférieure lourde et pataude est enchâssée comme un monstre tapi au milieu des rues. Quinze minutes à pied pour l’atteindre depuis le campus en empruntant le large pont qui enjambe la Moselle, puis le quai Vautrin où les immenses portraits de couples en noir et blanc d’Olivier Ciappa ont été accrochés pour quelques semaines (une expo en plein air), avant d’être lacérés et tagués par l’Action française à la toute fin du mois de juin.