Le temps est lourd, poisseux, le ciel laiteux. Les mouettes tournent au-dessus de la tête et crient. La mer est grise comme le dos d’une baleine. Avancer à pas nerveux, l’asphalte est déjà brûlant. Parcourir le boulevard qui longe la mer. Égratigner son bras aux branches de bougainvilliers pourpres agrippés à la façade d’une maison blanche, arriver au port, prendre le tramway et se rendre à la gare— regarder le panneau de départ et choisir au hasard sa direction. Prendre un billet apte à conduire au plus loin du parcours, ne pas connaître encore son terminus. Le train est déjà là — s’installer près de la fenêtre, étaler son dos fatigué sur le dossier, prendre une large respiration. Passer sa main sur le front marqué de rides, ressentir son regard sombre, ne pas trop penser, devenir plus accueillant à la vie. Peu de monde dans le wagon — retirer ses chaussures, rafraîchir ses pieds en les posant sur le sol, soupirer, s’étirer, détendre son visage, relever les coins tombants de ses lèvres par un sourire. Le train part — fermer les yeux et plonger dans une rêverie. Ignorant le temps déroulé, ouvrir les yeux, le lieu précis de la descente du train est encore indéfini, opter pour — une gare — un paysage — un visage rencontré — une voix intérieure. Le temps passe, définir ce moment, ce lieu — ce quelque part — prendre la décision—la prochaine gare.
Deux heures s’écoulent, le train stoppe son élan — descendre du compartiment, la gare est bruyante — sortir et observer les collines verdoyantes, la rivière et les ponts sous un ciel drapé de nuages aux formes fantasques, découvrant souvent le soleil. Traverser la grande rue, atteindre le parc, la roseraie, humer les parfums des roses anciennes, puis rejoindre près de l’entrée le jeune marchand ambulant et se nourrir d’un sandwich et d’une bière. S’approcher du vieux pont traversé par un cycliste portant un chapeau noir, entendre le clapotis de l’eau qui s’écoule, contempler les algues aux mouvements ondulants, poursuivre son chemin, choisir l’hôtel dont la porte d’entrée est encadrée de pots de clématites bleues et d’un banc de bois, occupé par un homme barbu, l’hôtelier sûrement. C’est bien lui, réserver une chambre, du petit balcon observer un jardin potager aux parcelles bien définies entourées de fines clôtures de bambou. Le mobilier est simple, un peu vieillot. Une odeur de cire mêlée à des effluves de lavande séchée irritent la gorge. Poser son sac, étaler ses affaires sur le lit et descendre dans le jardin. Trafic d’insectes et d’oiseaux siffleurs, senteurs mélangées, les frontières du corps-esprit et de la nature s’estompent. S’allonger sur l’herbe fraîche — être inondé d’un flot de mélancolie — approche du crépuscule — être tout retourné face à la lumière inquiétante des grands nuages rouges qui métamorphose l’espace.
C’est frais !
Par les températures qui courent c’est toujours ça de pris !
Du blanc, du bleu… on marche dans la chaleur (j’ai conservé un souvenir de chaleur), on écarte nous aussi nos orteils sur la molesquine de la banquette d’en face, on sourit…
j’aime, entre autres, cette notation : elle se sent plus accueillante à la vie qui donne le ton à ce récit ouvert
Merci Brigitte.
Je viens de beaucoup modifier le texte mais l’accueil à la vie est maintenu !
Une énorme sensation de liberté émane de votre texte et c’est tellement bien !
Merci Helena, que vais-je arriver à en faire ensuite ?