J’ai claqué mes derniers pesos, Victor Hugo est retourné sur son siège, Santiago continue à dégueuler ses banlieues, ses bidonvilles, ses campamentos, par instants on les dirait parqués dans des poulaillers, à d’autres moments fantômes malpropres, mais bon, moi, je me barre, j’ai déjà les chaussettes qui puent, je n’arriverai pas à dormir, il faut que je choisisse une destination ; où bien je vais jusqu’à La Serena voir ce qui, dans cette ville, attirait tant ma mère (qu’on vient de liquider), ou je m’arrête à Valparaiso, où je deviens clochard, même si les couleurs sont jolies… et de toutes façons ça ne m’éloignerait pas assez de ma famille et de la Trini, j’aimerais bien aller emmerder Victor, mais je ne sais pas s’il dort ou s’il fait semblant, il est beau le salaud, avec sa quena entre les doigts, ses mains musculeuses, sa chevelure et ses sourcils de chat sauvage, ses vêtements roots, et son sourire… moi, je ne cesse de me dire que c’est ma petite bite qui m’a perdu, quand… quoi ? j’ai mal à la gorge ; j’ai une dent folle ; j’ai mes crayons, je m’en sortirai, j’trouverai l’église, et je tirerai leur portrait à des autochtones en mal d’art à la bourse, il faut que j’y pense, pas pleine, au pire, si jamais c’est trop dur, mais non, je ne rappelle plus jamais ma pute de grand-mère (c’est Raphaël Enthoven qui m’a appris les rudiments des bonnes manières concernant les plus proches), tant pis, les flics viendront me cueillir, j’ai soif, il ne reste qu’un quart de litre d’eau, y’a pas d’bar dans c’car, m’en fout, prendrai la plus belle cuite de ma vie avec des pirates et des vraies prostituées, boire, j’ai rien à dire, j’ai rien à dire, vive boire.
Ça déroule. Victor Hugo, Santiago, Valparaiso, Enthoven et la grand-mère et d’autres. Et ça éructe. La vie.
oui la vie quoi ! on aurait pu en lire plus, suivre plus longtemps ce voyage…
en tout cas merci Diego