Il y a bien eu un livre fondateur, celui qui a ouvert la première porte. Un livre qui m’a révélé le pouvoir de la littérature. J’avais cinq ans, une cousine de quelques années mon ainée était venue à la maison. Le soir, avant de nous endormir, elle m’en avait lu le premier chapitre. Ce livre, qui narrait les aventures d’une petite fille de bonne famille, m’avait captivé. Le choc avait été immédiat, absolu. Il y avait dans cette petite fille tant de désir, d’audace, de rêves, de ténacité, de fantaisie. Tant de spontanéité. Tant d’esprit. Le monde s’était déployé. Un monde qui se souciait de moi, qui me parlait de moi. Un monde dans lequel j’avais une place. C’est à partir de ce moment-là que j’ai ressenti avec urgence le besoin d’apprendre à lire. Que j’ai ressenti la valeur ajoutée des mots écrits. Les mots écrits ouvraient les portes de mondes parallèles qui pouvaient augmenter le monde réel, m’offrir d’autres alternatives, d’autres modèles. J’avais beau avoir cinq ans, j’avais saisi que cette société n’était pas favorable aux filles. Qu’elle les assignait dans des rôles qui ne me conviendraient pas, qui ne me ressembleraient pas, dans lesquels j’étoufferais. Et j’avais soudain entrevu que la littérature pourrait m’aider à rêver autrement ma vie. Tout l’été j’avais tanné ma mère pour qu’elle me permette d’intégrer l’école primaire. Et j’avais eu gain de cause. A la rentrée, malgré mon jeune âge, j’avais eu le droit de sauter une classe. Je n’ai aucun souvenir de l’apprentissage de la lecture. Mais je me souviens du délice éprouvé à découvrir les chapitres suivants du livre que m’avait fait découvrir ma cousine. Je me souviens aussi de la façon dont cette petite fille est devenue réelle pour moi, Je me souviens de la sensation d’avoir intégré ce personnage à l’intérieur de moi, de la sentir vivre en moi, déteindre sur moi. M’accompagner partout, C’est un livre qui racontait la dureté de la vie. Et où que j’aille, il y avait cette petite fille qui grondait en moi. Qui m’aidait à tenir. A croire. Qui me donnait la force de continuer. Est-ce que la littérature peut vous sauver la vie ? Je l’ai cru, je pense, pendant longtemps.
La littérature peut l’aider à aller mieux, à défaut de le sauver. Et les petites filles, sûrement, et réciproquement.
merci pour cette revisite de ma propre enfance…
Merci pour votre retour. Oui les livres ont bien aidé la petite fille que j’étais. Votre message est si prompt, merci ! Une missive de bienvenue qui me fait bien plaisir.
Je pourrais faire un copié-collé de votre entrée dans la lecture, j’aurais mis trois grands frères à la place de la cousine. Moi aussi j’ai tanné ma mère pour qu’elle me mette à l’école, je m’ennuyais dans sa cuisine entre les lessives,le ménage et l’énervement des corvées, dehors ce n’était pas mieux : les ardoises à payer chez les commerçants, le père trop occupé, le plus drôle de la famille à cette époque, il a soutenu ma requête… Un an d’avance, ça ne se refuse pas… La passion des livres est arrivée là, sans aucun doute… Merci pour votre témoignage écrit à la première petite personne du singulier.
Merci pour votre retour. J’arrive dans l’atelier et reçoit votre message avec grande joie et aussi comme un message de bienvenue. Plaisir !