Je suis venue au monde devant une église. Une cathédrale gothique, en marbre noir et blanc, entre les terres de la forêt, la Selva, et les terres de l’aigle, l’Aquila. Et c’est là que je cherche le sein, enfermée dans une chambre d’hôpital en face de l’église, le temps de me transformer en loup.
Après, je suis allé vivre dans les terres de la chouette. Odeur de feux dans l’air. C’est la terre des drapeaux, noirs et rouges. Il n’y pas d’extérieur, mon corps fait corps avec celui de la mère. Les couleurs sont posées sur mon corps, mais je ne les vois pas. J’ai été baptisée à côté du cheval, entre les mains du pâtissier, le père de la chanteuse.
Je reste couché à plat ventre. Je demeure immobile, pendant des heures et des heures. Je dors, je souris, je pleure et je cris.
Puis, j’ai vu les couleurs. Puis, j’ai marché. Tous les jours, avec ma mère louve, nous partions nourrir les pigeons qui séjournent dans la grande coquille. Le chemin est long et elle marche à côté de moi. Parfois nous partions plus loin encore et les drapeaux changent de couleur.
Ultima salienza, fino al lago dei cigni selvatici. Nous parcourions le long chemin qui amène au lac de la forteresse, là ou vivent les cygnes. Le lac apparaît au fond de la dernière montée. Ses pas me conduisent. Abbiamo il pane secco. L’acqua è là.
Ma mère me nourrit avec les mies de pain. La radio noire allumée et les chants des hirondelles autour. Ses grands yeux noirs : le père nous regarde. Oui. Je n’ai pas encore les mots.
Puis, nous avons laissé la chouette et sommes partis vers le Sud. Sur la côte Est du grand Lac, là où le soleil se lève le matin. Levante. Nous l’admirions. La lumière est blanche. Nous mangeons. Le père donne à manger à ceux qui ont faim. Je ne me rappelle pas la mer. Pourtant elle est là, proche.
Départ vers l’Ouest. Souvent nous partions à l’Ouest, vers le grand monde, la terre primordiale. Tous les êtres vivants sont là. Le soleil aussi se couche par là. Là il y a le volcan et la grande famille. Là, j’ai appris les mots, j’ai appris les verbes. Tout est là. Je suis heureuse.
De là nous partions encore plus au Sud, vers les grandes falaises noires, là où la lumière se cache derrière les rochers et la grande louve nous attend. La grand-mère est au balcon. Elle vit là. L’hiver elle garde les oranges sur le balcon.
Éclat de la lumière sur la mer. Elle m’éblouit. Je rentre dans la mer. Loups de mer là-bas, dans les fonds.
***
L’arrivée de l’hiver est toujours un moment difficile. Il faut reprendre le long chemin vers les terres du Nord. Et s’enfermer. Les mots deviennent silence. Là-dedans c’est sombre et il n’y a plus rien. C’est ainsi que j’ai découvert mon cœur. Il bat lentement. Je dors. Je dors longtemps. Je dors dans le temps.
Il met des journaux autour des fenêtres. Le père dit que c’est la nuit. Le père cache tous les signes de la lumière. Ainsi la tanière est bien fermée.
Peu de battement. Au loin, j’entends ululer. C’est la chouette. Nous ne sommes pas loin des terres de la chouette. Mais ce n’est plus la terre de la chouette. Nous sommes dans une terre mystérieuse. Une terre d’hommes et de tours, nous sommes des étrangers. Les gorilles ne sont pas là. Il n’y a plus l’odeur du feu. J’entends seulement le battement de mon cœur.
C’est magnifique, vraiment (la suite, vivement !)
Oh, merci, quel plaisir! Enchantée!
Cette première proposition m’a fait penser à ce vieux texte que j’avais si envie de retravailler pour le faire sortir de mon ordinateur, enfin, et j’ai commencé à le faire avec Peter Hanke. Ma question étant si ‘il y la place pour le lecteur et si le lecteur ne se perd pas trop dans tous ces déplacements. Il y la suite aussi, que je dois reprendre et terminer. Je vous l’enverrai!