#anthologie #prologue | là pas là

Je suis assignée à résidence dans un lieu trouble qui bouge, et je ballote, et je gigote, et je barbote. J’avale l’eau du bain plein de victuailles et d’amour mais aussi de batailles à venir, et de séparations même. Du son me parvient, entre les proches gargouillis, de bruits, de voix, de musique. Haricot, j’ai un jour des membres, une tête distincte du tronc, et des extrémités qui s’affinent. Je pousse dans l’eau. Je la repousse. Vite vers la sortie. Je nais. J’émerveille, je ne dors pas assez, j’embête. J’occupe une place petite, je suis petite. Et depuis je ne fais que cela : je pousse, je repousse, j’occupe une place, je la quitte. Plusieurs fois par vies. C’est la valse à mille songes. Et j’imagine, à rebours : je diminuerai, ma place aussi mais on me la laissera dans les transports en commun, où je balloterai, légère. Et dans un milieu trouble de souvenirs éparpillés tant de fois remués, et d’un présent en fuite, confus, indistinct, basculerai doucement vers la sortie. Je gigoterai encore un peu, barboterai, puis me dissiperai.