Le vent bouscule les arbres morts, la pénombre s’étire comme un linge opaque suspendu aux néons, on dirait qu’il va bientôt pleuvoir, il n’est pas tard, j’ai le temps d’y penser à cette traversée et déjà des parfums de cannelle, comme si j’étais là-bas et là-bas tu n’y seras pas, je me souviens de t’en avoir parlé et ça t’a mis très en colère, tu as dit que non tu n’irais plus jamais plus là-bas et tu as jeté ta serviette sur la table, on était à table, bousculé la chaise c’est elle qui a eu mal, et tu es parti en claquant la porte fais chier entre les dents, et moi là comme deux ronds de flan, elle dure longtemps la traversée, il n’est pas tard, je regarde les heures, le vent continue de broncher, je ne dormirai pas, je m’étrangle avec des questions, c’est comme si je n’avais plus hâte, le moment où il fera nuit, le moment où le soleil va se lever, je n’aurai pas dormi, je dormirai dans les couchettes d’un train comme on en fait plus, pendant que des avions ratissent le ciel, ça me rappelle une chanson, un dimanche à Orly, car dormir dans un train rend la nuit d’avant tout autant excitante et j’y vais maintenant la traversée sera longue et je rembobine le film qui n’a jamais existé tout comme cette impatience à dormir dans un train, la nuit d’avant est un jour à rallonge, la nuit réveille parfois des émotions fragiles, nos valises en disent long, ma valise est légère il fait doux maintenant je ne dormirai pas, les camions engouffrés dans le cul d’un ferry, et les trains dans les gares, ça fait beaucoup de bruit.
beaucoup aimé cette scansion qu’apporte le « je ne dormirai pas » et cette impatience gommée
au fond pas de nuit car le jour va se lever…
merci pour ce beau texte, Sylvia
Merci Françoise pour ce retour, j’ai laissé monter quelques images fragiles qui combinent des réalités et des rêves que je ne voulais pas dissocier.
J’aime beaucoup, comme une avalanche d’images, de pensées, de sensations et de tout ce qui rallonge ce jour d’avant. Merci.
Merci Jean-Luc, oui, j’ai laissé cette vague de rêves et de réalité s’échouer sur la feuille. (Je sais encore démêler le vrai du faux !)
c’est beau ce mélange des temps et des moyens de transport dans ce même texte pour faire voyage par l’écriture même, et j’aime particulièrement » je n’aurai pas dormi, je dormirai dans les couchettes d’un train comme on en fait plus, pendant que des avions ratissent le ciel »
Merci Line, je me suis laissée embarquer quelque part !