1- Et ce jour ne finit pas, même si le soleil s’est dévêtu de sa robe doré, rouge, rose puis violette tirant sur les nuances de gris depuis des heures, je l’ai suivi jusque sa disparition au coin de l’horizon là où le défilé file pour le poursuivre. Le soir se perd en questions que nos rêves ne sauront répondre.
Ai-je bien choisi le bon moment, le bon endroit, les bons habits et surtout la bonne pharmacie contrôlée plusieurs fois, oui on ne vit qu’une fois paraît-il, je n’en sais rien, le futur antérieur ne m’a pas laissé beaucoup d’indices. Je n’ose aborder mon lit car une fois étendue les fantômes viendront me dépouiller de mes certitudes, les discussions âpres reprendront le cours de la conversation, toujours prêtes à se répéter, le disque dur est rayé, un sursaut pourrait faire avancer l’aiguille que j’ai dans la tête, et en même temps celle de ma pendule intérieure. Comment imaginer demain sans avoir vécu aujourd’hui. Pourtant ma valise est prête, mes papiers en ordre, l’itinéraire tracé dans les grandes lignes. Pourquoi voyager quand on a l’âme sédentaire, chercher à dépasser peu ou prou ce qui nous enchaîne, espérer trouver la liberté, apprendre de l’aventure et avant tout comprendre, se comprendre, tiens je prendrai les quatre accords toltèques de Don Miguel Ruiz, si jamais je perds le nord, j’y retrouverai les quatre points cardinaux et leurs panneaux indicateurs toujours utiles en cas de perte de repères, puis l’Auberge des Pauvres de Tahar Ben Jelloun, sa couverture flamboyante me tend ses bras réconfortants, le sable me réchauffe déjà les pieds et le ciel chauffé à blanc aura raison de mes 35°6 corporels
2- Pleine lune et lune montante à son périgée, c’est exponentiel et explosif seuls 357 000 kms nous séparent, la nuit ne sera pas calme je vois sa bouche grande ouverte prête à hurler sa rage et moi la mienne, nous voilà mal lunées, demain départ au petit matin, le taxi réservé pour 5h est-ce le bonheur ou la bonne heure avec tous ces contrôles suscitant culpabilité et mauvaise conscience, trop de cadeaux, de remèdes pour tout ce qui pourrait survenir durant ces semaines au loin et forcément risquées, les copies de passeports, les copies de soi-même n’existant que dans le métavers, les billets, l’argent dans les pochettes agrafées dans les poches intérieures des pantalons, qui s’ouvrent régulièrement et pénètrent notre chair attendrie après une fouille maladroite ou intempestive. Pourquoi décider d’un voyage alors qu’on est bien chez soi, et que le lit est si bon l’oreiller ajusté : titiller son goût de l’aventure, conjurer le sort parce qu’on ne sait pas lequel, voir découvrir sentir oui surtout sentir le vent, les odeurs, les regards, les cœurs, la misère, la joie, inventer du souvenir courtiser notre mémoire, ménager son retour, galérer aux confins les plus reculés de nos exigences, que sais-je. Donne-moi quelque chose qui ne meure pas de Bobin-Boubat pour la beauté des mots qui ne bavardent pas et la Bête qui meurt de Philip Roth parce que je ne connais pas.