Je pars. Je pars demain matin très tôt à Zanzibar. Jamais je n’y suis allée, le nom m’a fait rêver. Mon sac est bouclé, mes documents et mes vêtements de voyage au pied de mon lit. J’ai fait un essayage ce matin. Tout va bien, tout est prêt, même mes chaussettes posées sur mes baskets. Là-bas ce sera nu-pieds et robe légère. Je n’aime pas me lever avant le soleil et demain il fera nuit noire quand je sortirai, mais c’est exceptionnel. Je me sens excitée comme une enfant partant pour la première fois en colonie de vacances .J’ai commandé un Uber pour me rendre à aéroport. J’ai tout balisé car je ne serai pas bien réveillée. Après diner, j’ai même avalé un demi comprimé de somnifère léger, pour m’endormir vite et facilement, avoir mon compte d’heures de sommeil et décoller en pleine forme demain ou du moins ne pas me sentir fatiguée d’emblée. Contente car le décalage horaire est faible. Deux heures. C’est bien. J’ai mis la sonnerie de mon réveil du téléphone, plus d’un réveil mécanique à sonner. Avec ça aucun risque de rater mon avion. J’ai juste une escale, à Doha, largement le temps de changer d’avion.
Ensuite pour l’arrivée à Zanzibar, j’ai réservé une chambre d’hôtel, donc j’aurai une adresse à donner au chauffeur de taxi, il ne me tannera pas pour aller là où il touche une commission. J’aurai un endroit où déposer mes bagages, et si ma chambre, non climatisée car même si mon bilan carbone n’est pas bon, je refuse l’air conditionné, donc je disais si ma chambre est prête et accessible, je pourrais prendre une douche avant d’aller découvrir le quartier. Voire me balader dans la ville si j’ai de l’énergie. Pas de problème, j’ai prévu un maximum pour être tranquille le premier jour. Ça rassure toujours les préparatifs de ce genre.
Il paraît que l’électricité, l’eau et le wifi ne fonctionnent que par intermittence. Je verrai sur place comment m’adapter, m’accommoder. Le dépaysement c’est ça aussi, un confort domestique différent du quotidien, ou pas de commodités du tout. Ensuite j’irai à Jambiani sur la côte est de l’île. Enfin je suis très heureuse de ce départ, de ce voyage où je vais découvrir des montagnes, des plages, l’Océan Indien, des marchés, des odeurs inconnues et mille autres choses encore. Mais il faudrait tout de même que je m’endorme maintenant, au lieu de m’exciter à penser à tout ça. Je verrai demain. Il est trop léger mon demi somnifère, mais je n’ose pas en prendre un autre. je voudrai arrêter de penser, je voudrai ne pas être déçue en découvrant la Tanzanie, je voudrai dormir, penser à quelque chose de soporifique, pas à Zanzibar, même si j’en rêve, éveillée, depuis un certain temps maintenant. Maintenant, j’ai hâte d’arriver.
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Même si je me couche tôt car qu’il m’est difficile de me lever tôt, je ne m’endors jamais tôt à la veille d’un départ en voyage. J’imagine des problèmes que je peux rencontrer. Crainte de ne pas entendre le réveil sonner, crainte d’avoir un malaise en me levant car trop fatiguée, et surtout, surtout je ressens une anxiété d’aller là où je ne suis jamais allée, là où je ne comprendrai pas la langue, mais où j’ai décidé, quelques mois plus tôt de me projeter. En Ethiopie. Toutes mes appréhensions montent, se relaient et m’empêchent de m’endormir. Au lit, couchée dans l’obscurité, je ressasse, je me demande si j’ai bien cochées toutes les adresses utiles dans mon guide, si j’ai bien mon carnet avec des bons plans dont m’a parlé mon ami Olive, qui connaît ce pays comme sa poche. Ai-je bien pris tous les documents nécessaires pour partir à Addis Abbeba ?
Et aurais-je le temps de rejoindre mon second vol si l’escale est écourtée par un premier vol en retard ? Et si mon sac à dos en soute ne me suit pas, ce n’est pas si important, cela s’est déjà produit, et en général il est livré le lendemain à l’hôtel. Il ne comporte rien d’essentiel. Par habitude de voyager, j’ai l’indispensable avec moi, dans mon sac en cabine. Pas d’inquiétude alors. Et si le taxi n’est pas là à mon arrivée au milieu de la nuit, ou s’il s’est trompé de porte, à l’aéroport d’Addis Abeba? Pas d’inquiétude j’en trouverai un autre. Tellement préoccupée par les aspects pratiques du voyage, les formalités et le trajet que je pense à peine à ce que je vais découvrir. Tous ces endroits, ces peuples, ces langues, ces nourritures…. sur lesquels j’ai lu et relu des informations, pour me sentir pas trop démunie. Je rêve de lumière, de chaleur, de terres arides, de café odorant et de fruits exotiques délicieux. Et ma trousse de toilette n’y ai-je rien oublié d’important que je ne pourrai pas trouver sur place ? Je me refuse de me relever pour aller vérifier toutes ces choses pratiques, mais une certaine tension ne me quitte pas pour autant. Ai-je bien choisi ma destination ? Comment vais-je réagir au dénuement, quoique je connaisse l’Inde, et puis c’est trop tard pour changer d’avis. Je pars demain matin tôt, personne ne m’a forcée, c’est mon choix. Je me retourne dans le lit une fois de plus les questions affluent, ne me quittent pas. Je ne parviens toujours pas à m’endormir. Trop d’activités cérébrales, et les inquiétudes me tournent autour comme les moustiques près d’un marécage. Au fait ai-je mis dans ma trousse de toilette, l’anti moustique pour Hawassa, situé près d’un grand lac. J’essaye de me calmer. En vain. Je tente de me persuader que tout va bien se passer, que j’ai raison, que je peux dormir tranquille, que demain sera demain et ce voyage, un de plus, sera intéressant. Je trouverai du plaisir à découvrir. J’aime voyager, comme si je devais me persuader. Maintenant je dois m’endormir, maintenant je dois penser à autre chose. À autre chose qu’aux amis qui me disent que c’est risqué d’aller en Ethiopie qu’il y a des conflits armés, dans le Nord du pays, maintenant, je veux dormir, ne plus penser à demain.
