Elle était déjà assise à la terrasse quand je suis arrivé. Evidemment elle attire le regard avec son élégant chapeau de paille et ses deux colliers qui réveillent l’émeraude de sa robe. On la sait étrangère à la langue qu’elle utilise pour commander une boisson fraîche mais son profil aristocratique, son aisance donnent le sentiment qu’elle appartient au décor de ce lieu si souvent utilisé dans des films d’époque. Elle en tire comme une aura d’inconnu et de familier en même temps.
Mystérieuse elle regarde, sans observer le monde autour d’elle, comme si elle savait parfaitement que c’est le monde qui doit la regarder. Elle aime se sentir happée par l’atmosphère. Elle a conscience d’appartenir à cet instant, à cet espace. On sent le rayonnement qui l’entoure.
Elle est en villégiature sans doute, quelque part dans la région. On voit le domaine où trône un bâtiment aux fenêtres à meneaux. Les murs épais protègent de la chaleur. On aperçoit le parc aux agaves, les palmiers, le bassin où glougloute une fontaine pérenne, la grande allée qui mène au kiosque à musique. Du belvédère qui le surplombe on distingue la mer argentée comme un miroir ancien.
Elle s’est offert cette escapade au pied de San Giorgio. Sous la protection de l’église, elle voit s’étaler devant elle la grande esplanade qui descend vers le club où se réunissent les notables. Elle en connait quelques-uns, forcément depuis le temps qu’elle vient dans ce pays pour y passer les saisons intermédiaires. Et puis elle ne manque jamais d’organiser des soirées où après le repas on joue au whist tout en bavardant à propos des vignes auxquelles elle a rendu la vie grâce au maître de chais qu’elle a fait venir de France. L’éternité l’accompagne et ceux qui la croisent, pensent un instant y participer