La première fois que je me souviens de cette maison, c’était en pleine nuit. On n’avait pas eu de bus à Rome. En arrivant de Thionville le soir, on arrivait à Rome le matin. Et on prenait le bus. Ce jour-là on avait attendu le bus, puis on avait dû prendre un autre train. Quand on est arrivés à Paganica, il n’y avait pas d’éclairage. Je n’avais pas vu les pavés de la rue. Ni la petite fontaine. Ni les montagnes derrière la maison. Ni les chats allongés sous le banc. Ni les petites marches où mon grand-père passait ses journées, avec son costume noir et son chapeau. Avec sa canne. Je n’avais jamais vu un âne, ni les orages de montagne qui les soirs d’été éclataient, ni les éclairs qui illuminaient le ciel avant le tonnerre, nous comptions les secondes, un deux, nous comptions les secondes sur le balcon ou derrière les portes fenêtres. Je ne savais pas que c’était ici que mon père était né, qu’il était allé à l’école, qu’il avait fait la route à vélo pour aller à quinze ans travailler à la ville tous ls jours, qu’il avait acheté son premier moto-scooter Lambretta à l’Aquila. Dès que la pluie cessait, le soleil rayonnait une joie infinie sur les jeux d’enfants dans les rues étroites du village. On remplissait des pulvérisateurs pour s’éclabousser d’eau jusqu’à être complètement trempés, on courrait après nos cousins jusqu’à la tombée de la nuit. Cette nuit-là, ma tante Maria Chiara s’écria : “Ils sont arrivés !”. La grand-mère Teresa s’était endormie sur la table. Elle poussa un : “Aaaaaaaah !”. Lorsque la porte s’ouvrit, je vis un intérieur noir, sombre, qui n’était pas éclairé. Une vieille dame aux cheveux blancs m’arracha des bras de ma mère pour me serrer contre elle. J’éclatais en sanglots, de peur. Je crois que cela lui a fait de la peine. Elle portrait un tablier noir, sur une robe noire, son dos était courbé, elle était fine, elle portrait des collants noirs, ses cheveux blancs étaient attachés à la va vite.