La maison, imposante, de l’autre côté de la rue, séparée d’une autre maison, beaucoup plus modeste par « le jardin du père Saint Paul ». Un jardin que vient cultiver presque chaque semaine un habitant du quartier Saint Paul. A nos yeux, un endroit lointain, au-delà de nos frontières habituelles. Pour quelle raison cet homme vient il de si loin à bicyclette pour faire pousser des légumes ? Nul ne semble le savoir dans le voisinage. Gamins, on s’intéresse surtout à sa cabane. On voudrait percer le mystère de ce qu’elle abrite.
La maison parallélépipédique et grise, ne paraît pas finie. Pour accréditer le dicton qui veut que les cordonniers sont les plus mal chaussés? Elle détonne par son volume qui la range au rang des petits immeubles collectifs plutôt qu’à celui de maison d’habitation.
On y entre toujours par la porte du garage. Jamais par la porte d’entrée. Quand on est, rarement, invités par l’un des trois enfants de la maison . Ils sont trois, deux gars et une fille.
Le garage, assez grand , est dans un désordre tel que cela ménage à peine un passage pour nos petites jambes. On résiste à l’envie de toucher et de manipuler tous les objets étranges cause de ce désordre. On débouche sur une véranda à peine moins désordonnée. Au travers des vitres de laquelle on aperçoit le jardin. Le jardin n’a probablement pas vu la moindre outil depuis des mois, sinon des années. Les occasions d’y pénétrer sont encore plus rares que celles d’entrer dans la maison. Cela lui confère un statut de lieu mystérieux et dangereux.
On s’arrange pour n’aller dans la maison qu’en l’absence des adultes. Tout au plus, est- il possible, mais rarement, de s’y trouver en présence de la maîtresse de maison. On a l’impression, diffuse, qu’elle redoute plus que tout que le retour inopiné du mari.
De la porte du garage jusqu’à l’entrée, sur la droite , de la salle-à-manger- cuisine, ne cesse de croître , au creux du ventre, une sensation d’anxiété. Rien de bien original pourtant dans cette pièce, plutôt en ordre ,contre toute attente. Les fenêtres donnent sur un petit parking en terre battue destiné aux voitures de la famille. Une porte , à gauche conduit à un couloir nu et plutôt triste. La porte d’entrée , rarement utilisée se situe à main droite. On a la sensation ,étant passés par celle du garage, d’être dans l’envers d’un décor. A l’autre bout du couloir à main gauche, une volée de marche mène à l’étage. Notre curiosité est excitée en même temps qu’ augmente notre anxiété. De l’autre côté du couloir, une deuxième pièce, probablement un salon- salle à manger destiné à des occasions exceptionnelles dont nous ne sommes pas. Un jour pourtant nous montons à l’étage sur l’invitation d’un des enfants de la famille. Les parents absents, tout paraît possible, y compris les plus folles audaces. Bizarrement le couloir du haut est dans le sens inverse de celui du bas. Il distribue une flopée de portes dont la plupart sont entr’ouvertes. Au fil des minutes qui passent, nous sentons croître une sensation de panique. Comme si nous étions en zone interdite, à la merci de dangers extrêmes. L’enfant de la famille, sous des dehors d’impassibilité, n’en mène visiblement pas large. Un bruit de moteur dans la rue, une portière qui claque et la panique diffuse trouve son objet. De diffuse, elle devient presque matérielle et compacte. Descendre quatre à quatre les marches nous fait courir un danger aussi grand que celui d’être découverts à l’étage. A peine dans le couloir, surgit ce qui nous semble être la figure d’un monstre, hirsute et rougeaud, le sourcil broussailleux et l’œil noir. Notre destin est scellé, nous ne sortirons plus jamais de la maison.
Le mouvement, la progression par le questionnement, le discours intérieur, les affirmations, les supputations, les constats, une logique implacable du texte qui mène à ce monstre qui soudain oui surgit. C’est super
Merci pour ce commentaire agréable à lire. D’autant plus que je ne suis pas bien sûr, à chaque fois, d’être en phase avec la consigne d’écriture. Il me faut retrouver quelques automatismes un peu perdus et activer mon imagination.