Elle a créé plusieurs personnages dans son roman. Un groupe d’ado en difficultés que Martha rencontre avec l’éducateur et sa femme, invitée pour une soirée de Noël. Elle s’y perd, mélange les prénoms, les change à d’un chapitre à l’autre, confond les histoires qu’elle leur invente, oublie les traits physiques qu’elle leur a donnés. Prend pour modèle tel petit garçon du cours d’aïkido, les copains des enfants, des souvenirs de sa propre enfance, des adolescents du récit qui l’inspire d’un éducateur emmenant ses clients de l’aide sociale à l’enfance marcher dans le sud marocain « l’esquisse de la suture« . Quel mauvais titre !
Faudrait-il faire des fiches ? où chacun serait figé, perdrait toute spontanéité, bloquerait l’histoire…jamais.
Et pourtant, une liste au moins serait bienvenue de ceux qu’elle a déjà introduits dans la première scène où elle les rencontre, mais elle répugne à la liste.
Celle qui deviendra un personnage principal prend forme et force peu à peu, c’est Luna; mais les autres restent dans un magma informe et mouvant.
Ceux qui sont inséparables, bourreau et victime : Justin et Kevin, placés pour cause de parents alcooliques, ne voyant jamais leurs pères. Rien sur leur physique.Celui qui est doux, un peu gros et timide, très blond avec des cheveux longs autour de son joli visage d’ange qu’elle a appelé Rayan que sa mère malade n’arrivait pas à élever seule (rien à voir avec son modèle de Rayan qu’elle avait connu aux temps d’activité périscolaires et qui était en famille d’accueil, mais noiraud, astucieux et vif comme un chat). Celui qui est pâle comme un fantôme, en retrait, cherchant toujours la protection d’un adulte qu’elle a appelé William; qui ne mange pas de charcuterie et conteste tout. Elle l’avait bien connu celui-là, insupportable, sournois, père et mère mal accordés qui l’avaient retirés de l’école brusquement, sans nouvelles depuis. Celle qui est tout en noir, ongles, paupières, lèvres, robe, qui a trois piercing à une oreille et un au sourcil et d’immenses fleurs en tatouage qui courent d’une épaule à l’autre et remontent dans son cou. Fille adoptée de bons bourgeois complètement dépassés par l’adolescente. Son modèle c’était Luna que ses collègues de CP appelaient la fille-garçon, jolie, délurée qui avait quitté le village et l’école lorsque sa mère avait retrouvé un compagnon. Où était-elle maintenant ?
Dans le chapitre suivant, ne reste que Luna. Il y a Matis, celui qui n’a qu’une photo de lui, celle parue dans le journal de son faire part de naissance par Johanna et David, ses parents. et puis Colin et Basile, ceux qui proposent une aventure d’urbex dans une piscine abandonnée, et dont elle ne sait même plus d’où ils sortent. Et puis Matis et Kylian qui ont l’idée du reportage (ce n’est pas le même Matis que le précédent, mais il y en a souvent plusieurs dans une classe), mais ce Kylian qui est-il ? Plus loin Matis, le premier, est redevenu Kevin, celui qui est la victime de Justin son bourreau. Justin qui se prend pour Pablo Escobar et dont Rayan se moque.
Elle a besoin du groupe, mais peut-être faut-il l’imaginer plus réduit avec moins de personnage. Tous n’ont pas besoin d’avoir une histoire, un physique, des mots particuliers ou des comportements remarquables, un prénom ne peut-il pas suffire ? En revanche il faudrait peut-être plus de filles. Elle n’a créé qu’un personnage de fille. Pourquoi ?
Tout à reprendre, comme en généalogie dès qu’on sort de la filiation directe et qu’on se perd dans les cousins, cousines, oncles et tantes. Elle ne s’en sortira pas sans schéma.
apparitions floues qui se précisent, re-disparaissent, que l’on rencontre un instant avant que l’histoire les mette en place