La Folle

L’extrémité de l’index de la main droite glisse sur le pavé de l’ordinateur, tapote quelques clics. L’image apparaît en gros plan, inchangée depuis la veille. La frange des cheveux cache son front; je veux voir le front; les lèvres sont légèrement teintées; mes yeux cherchent ses yeux; la surface de l’écran crée du mur entre l’image et moi; ou bien, est-ce le visage, le mur? Le sourire semble s’adresser au vide comme la pupille vide mise en abyme se réfracte à l’infini dans le vide de l’écran.

Cliché en noir et blanc, très gros plan sur la commissure de lèvres de femme, au bord de la fossette. L’ombre creuse férocement la joue pleine. La peau semble jeune encore. Le cadre de la photographie découpe le bord d’un éclat de rire.

Ce visage-là ne peut être vu que par la fenêtre qu’offre le rêve ou la photographie, plus rarement, le film. A celle qui ne cesse de le chercher, ce même visage, il lui manque donc toujours la vibration, la palpitation, la présence charnelle. Le visage est aplati.

Pourquoi la peau s’est-elle mise brutalement à se friper, puis à se craqueler ? Pourquoi le globe de l’œil s’est-il arrondi en se projetant hors du corps? Pourquoi tout-à-coup votre visage est-il devenu le visage de la folle? Pourquoi l’image reste-t-elle muette et floue ?

Il y a de la buée sur la plaque de verre piquée, comme si le verre ne suffisait pas, il faut en rajouter dans l’invisibilité.

A propos de Nicole Busquant

Un certain goût pour les traces.

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