L’esprit du texte, c’est le souffle donné par toi, lecteur : l’action de ton haleine qui soulève les mots, trouve le mouvement, l’émotion, rassemble les pages, les nage, redonne vie aux lettres mortes et fait du livre un seul corps dansant. L’esprit du texte, son souffle, est une réalité matérielle invisible et très concrète. (….)
« L’esprit respire. » Voilà ce que notre pensée, notre langue, oublie toujours. (…)
Un livre n’est pas un échange de signaux entre bêtes d’une même espèce qui se flairent et se repèrent entre elles, mais un voyage hors d’homme : il apparaît de l’homme en parlant ; le langage est anthropogène. La lecture est résurrectionelle. Lire ressuscite et fait que se lève en nous (que naît) un troisième – ni toi ni moi -, un autre animal en langue humaine. Cette scène ne se joue pas au grand jour mais dans notre théâtre le plus obscur : le langage. C’est la vraie matière dont nous sommes faits et avec laquelle nous nous débattons. La lecture est un combat, une danse qui s’offre, une scène de portement et de partage. La lecture, comme l’amour, n’est pas un échange à deux, un commerce des sens, une circulation de mots, mais une danse qui mime et parfois fait apparaître en vrai un troisième corps : une personne autre ; il n’est ni à toi ni à moi et il a sa vie propre – et son mystère comme toute personne. Le livre est une tierce personne qui respire par toi et moi. C’est un animal qui a sa vie a lui.
Extraits de Lumières du corps, de Valère Novarina.
Merci pour ces mots… vivants.
La lecture comme partage, et je n’ai même pas répondu à votre commentaire! Oui, soyons vivantes!