Assise sur la plage, face à l’océan je me remémore la chambre bleue. Je revois sa porte de bois couleur cyan. Son plancher vernis. Son lit double placé en diagonale avec une tête de lit en pointe faisant office de table de nuit. Dessus, une statuette de chat noir, une boîte à mouchoirs, une lampe de chevet avec abat jour en toile, un cadre photo avec un jeune homme : debout, un casque à la main, une chemise blanche, un jean Levi’s, les cheveux aux épaules. À côté du lit un petit tabouret de bois avec une croche sculptée au milieu. Une fenêtre aux contours bleus, toujours les volets fermés pour ne pas être vu par les voisins. Plus loin, une planche de surf blanche placée dans l’angle du mur. Au dessus, un mobile en forme de mouette, qui bouge lorsqu’on tire sur le fil. À côté de la planche, une grosse malle en bois comme dans les histoires de pirates. Mais à l’intérieur, pas de trésor. Seulement des couvertures. Une autre fenêtre ensuite, plus grande et ouverte celle-ci. Avec un rideau bleu accroché sur une branche de bambou fixé au dessus. À l’angle, une allogène. Puis, une porte cyan, à nouveau. Derrière, un grand placard. Dedans, des trésors. Des boîtes de chaussures contenant des lettres d’amours écrites pendant la guerre. Des photos jaunies par le temps. Des dessins, des peintures délaissées. Des habits dont personne ne veut plus. Des jouets abandonnés que l’on ressortira quand les enfants auront fait des enfants. Toute l’histoire d’une vie.
Assise sur la plage, face à l’océan. VIngt ans avant, la même plage, le même océan. Elle s’était assise.
J’attendais ce jour avec impatience,
Reveil à six heures,
Tout ca me rappel mon enfance,
Avec une journée remplie de bonheur.
Garré devant un magasin de pêche, I
ll va acheter les appats,
Deux à trois boites d’esques,
Et pour moi un pain au chocolat.
Arrivé à notre destination,
On deploi le matériel,
Les cannes, les plombs et les hamecons,
Devant le levé du soleil.
Les premières lignes sont lancées,
C’est lui qui ouvre le bal,
La compétition avait commencée,
Qui sera le meilleur pecheur au final ?
Après diverses prises,
La chaleur s’installe,
Un bruit sonne ma surprise,
Celui d’une bière qui me remonte le morale.
A la suite d’une collation,
Il part le ventre à l’air,
En direction d’un petit roupillon,
La naissance du « Viel homme et la mer ».
La boite de vers vide,
Face à l’océan,
, Les vagues deviennent rapides,
Nous rangeons notre équipement.
Finalement nous partons à la fraiche,
Pleins de brulures et de girelles,
Annoncant la fin de cette journée de pêche
Passée avec mon paternel
Toute l’histoire d’une vie morne et vide qu’il avait essayé de combler en mettant du cyan partout. Je m’en souviens encore, ce mot sortait constamment de sa bouche. Cyan par ci, Cyan par là. Je sais que c’était sa couleur préféré puisqu’il ne pouvait pas vivre plus d’une heure sans évoquer la couleur cyan.
Je suis heureuse qu’il ai quitté cet endroit et qu’il soit dans une meilleure maison, dans une nouvelle ville, entouré des gens qu’il aime cette fois-ci.
Toute l’histoire d’une vie, l’histoire de notre vie. L’histoire de notre amour.
Cette chambre a connu nos plus beaux moments mais aussi nos plus grandes peines. C’est dans cette chambre qu’a eu lieu nos retrouvailles mais c’est aussi dans celle ci que s’est tenu nos au revoir déchirant.
Avant je pleurais à chaude larmes dans cette chambre, maintenant son souvenir me réchauffe le cœur et me fait sourire.
Bientôt tu seras de retour, je t’attends. Sur la plage toujours.
« Au-dessus, un mobile en forme de mouette, qui bouge lorsqu’on tire sur le fil. »
Elle me rappelait les récits de ce vieil homme de la mer, lorsqu’il était revenu des Caraïbes après une année d’absence. Il me disait que les mouettes, les atricilles, savaient rire, surtout pour se moquer des marins qui ne savaient pas naviguer. Mais dans ses épopées, il mit des années à m’avouer qu’elles riaient à la liberté.
Des photos jaunies par le temps, que la nostalgie éclaircie. Des peintures, des dessins délaissés que mon cœur conservait. Et dont chaque trait retraçait un peu de ce passé que j’avais oublié.
Je me suis levée, déshabillée. J’ai marché et l’eau froide de la mer à salée mes pieds. J’avançais mais je ne me hâtais pas. Je prenais le temps. Un temps long, un temps qui suspend les cheveux dans l’air, qui ralenti la mer. Les vagues s’arrêtent et m’attendent. En m’enfonçant, comme une main froide qui parcourt un corps, l’eau effleure ma peau délicatement, naïvement, secrètement. Je flotte. Je nage. Je rêve.
C’est dans ta chambre cyan que l’on s’est dit au revoir. Bercée par le son des vagues, tu as fermé tes yeux. Maintenant, assise sur la plage, face à l’océan, je t’attends.