Partir bien avant l’aube pour atteindre ce point du paysage avant la fin du jour. Ce point, là-bas. Loin — difficile de donner une mesure exacte de la distance à parcourir. D’un bond se redresser, attraper le sac, le lancer sur l’épaule. Sentir combien il pèse. Quitter le repaire (abri sous feuillages ou au milieu des vignes, auberge, bergerie, pan de mur en ruine) alors qu’il fait encore sombre et s’orienter en fonction de la lueur qui s’annonce au bord de la terre. Lentement se remettre en mouvement. Ne pas faire d’erreur, surtout prendre la bonne direction. Peut-être se fier à la présence de la mer. À l’odeur de la mer. À sa ligne de déferlement blanche, quasi phosphorescente. Pour la percevoir davantage (odeur ou ligne blanche) et s’en servir tel un repère géographique, franchir la rangée de petites collines parfois boisées, le plus souvent encombrées de broussailles (bruyères courtes, ajoncs enchevêtrés et tassés par les vents). De temps en temps, un sentier nettement dessiné. L’emprunter. Poser les pieds en prenant garde aux roches glissantes — humide encore le sol à cette heure et instable. Le ravinement à l’approche des falaises peut entraîner des chutes de terre et de cailloux. Toute une journée en chemin pour arriver quelque part. Là-bas. Loin. Au bord de la mer.
En principe personne ne l’attend.
D’abord un groupe de maisons adossées les unes aux autres, pierres moussues, auvents abritant des portes rustiques. Quelques lopins de terre entourés de barrières en bois — potagers ou simplement friches. Fleurs sauvages en bordure. Un âne dans un champ qui tourne la tête vers celui qui passe. Des odeurs d’animaux, de paille souillée. Et le vent sensible quel que soit l’endroit où l’on se tient, un vent de mer frais et constant.
Le chemin s’empierre à l’approche du cœur de la bourgade. Tout semble calme, pourtant une tension perceptible. Aussi de vagues odeurs de cuisine, de feu, de friture, de roussi.
N’être sûr de rien. S’inquiéter des éventuelles rencontres, les souhaiter. Ne rien savoir de l’accueil réservé aux voyageurs. Ne rien attendre vraiment. Tressaillir à chaque bruit, chaque aboiement de chien. Être sur ses gardes. Ou alors avoir un rendez-vous avec quelqu’un du cru pour faire une affaire, livrer de la marchandise, accepter un travail saisonnier, gérer une histoire de famille, arranger un mariage, annoncer un décès. À mesure de la progression, sentir certaines présences derrière les fenêtres masquées par des pans de tissu sale pendus en guise de rideaux. Pauvreté des demeures du faubourg. Noter les fossés creusés de chaque côté pour évacuer les eaux usées, les casiers en osier empilés incrustés de coquillages, quelques cordages. Odeur de la mer toujours, même à remonter vers l’intérieur. A un moment donné s’assoir. Espérer quelque chose, regarder la nuit venir.
j’ai pu cheminer avec cet.te inconnu.e en partageant ses inquiétudes. Ce qui est étrange, c’est cette impression de le connaitre déjà un peu, parce que la progression, parce que le paysage … à bientôt donc
Plaisir de vous découvrir, Claudine, d’aller aussi sur votre page sur votre trace… merci d’avoir suivi ce premier parcours… allez savoir
Je vous retrouve vite moi aussi de mon côté…
« En principe personne ne l’attend. » A mon avis, il va y avoir du monde ! En tout cas, j’attends la suite avec grande impatience (et je parie qu’elle va voir la mer😉)
Oh douce Marlen, merci d’être passée sur mon chemin… et je ne sais pas encore où ça va nous mener, si c’est il ou elle ou… allez, tout pour l’aventure…
je vais te voir très vite…
espoir, attente, et d’autres échos, heureuse de cheminer à tes côtés !
eh comment ! moi aussi… tellement !
cheminons, cheminons… nous verrons bien vers quel horizon…
Un cheminement comme un pélerinage. J’ai beaucoup aimé ce narrateur qui s’installe au coeur du personnage, n’en dévoilant que le strict nécessaire et laissant le lecteur intact dans ses interrogations et sa curiosité. Merci, Françoise !
Merci à toi Helena pour ton passage, ton retour de lecture, ton écho précieux…
Installer les choses sans trop préciser, laisser la place au récit. Va savoir ce qui nous attend pour le prochain épisode…
A te lire vite, découvrir aussi ton voyage…
Bonjour Françoise,
Crépuscule, du matin ou du soir ce entre-deux du temps, tout y est possible dirait-on,
Bonne suite
Cat
Oh votre visite me touche, chère Catherine… oui, installer un cadre où tout reste possible
à vous retrouver vite… le temps me manque un peu pour tout faire, tout suivre, tout lire 🙂
Déjà tant de commentaires, Françoise. Je les trouve tous parfaits. Le chemin s’empierre à l’approche du coeur de la bourgade. Cheminer vers le coeur de l’histoire, on te suit mot à mot sur la route de ton personnage. Le chemin importe et tu nous le donnes bien. Merci.
Le tien compte aussi… et je suis touchée par tant d’échos sur cette première proposition que je ne sais où elle me mène…
Je vais y croire, m’attacher à ces personnages qui n’existent pas encore mais qui guettent en arrière des fenêtres, dans les recoins, dans les brumes et les collines de sable et de bruyère…
Merci Anne pour ton regard.
Plein de pierres et de sensations posées et en attente. « En principe » tout semble là, pourtant à regarder de près en suivant le mur l’inattendu surgira
Merci pour ta présence précieuse et pour tes notes entre pierres et sensations…
Quel inattendu ? finalement tu me rends impatiente de poursuivre l’aventure…
Je pense, lointainement, à La Lucina d’Antonio Moresco. Peut-être ce beau mur de pierre. Mais pas seulement.
Merci pour ton passage, Emmanuelle, dont j’apprécie toujours les interventions précises et fortes…
Je ne connais pas ce texte « La petite lumière », publié je vois chez Verdier et ça me donne furieusement envie de le découvrir, et cet auteur avec…
A partager encore… le chemin va être long !
« s’orienter en fonction de la lueur qui s’annonce au bord de la terre »
Je retrouve avec plaisir l’ESPACE de vos paysages et les personnages qui les habitent si présents, attentifs (incarnés)
Heureuse de vous retrouver sur ce chemin… je ne sais pas encore de quel paysage il s’agit, placer des éléments, progresser à tâtons, laisser se dessiner les lignes et les contours… et aussi ceux qui y marchent et y habitent…
Bonjour Françoise, je suis très heureuse de te retrouver dans cette nouvelle aventure d’écriture ! Ton texte nous plonge quasi instantanément dans un paysage dont on perçoit l’étendue et les détails presque physiquement sans oublier les sons, les odeurs… L’ouverture des possibilités et l’observation acérée du personnage un peu aux aguets font naître une réelle tension. On est prêts à te suivre loin…
Belle surprise de te retrouver aussi…
Les textes nous ouvrent à nous-mêmes.
On ne sait pas ce qui arriver avant même d’avoir posé les mots, et cette expérience d’écriture va encore nous le prouver. Pas de certitudes, juste accumuler les détails et se laisser aller à tous les surgissements possibles. Enfin, quelque chose comme ça…
A te lire aussi…
Entre géologie et littérature… vous nous aviez prévenus ! Comme c’est agréable de cheminer avec vous. Merci !
Merci Anna pour cette compagnie… belle façon de se rencontrer que de cheminer ensemble !
Quelle belle ouverture Françoise.
Merci pour ton passage, amie Nat…
Soutien toujours si important pour donner confiance… l’exercice n’est pas simple, les directions multiples. Tenter donc d’installer quelque chose avec des interstices, des lignes de repli, des espaces plus ventrus pour y cacher des mystères…
et on se retrouve vite bien sûr…
Entre géologie et littérature, Bretagne et Languedoc, on te reconnaît bien là, Françoise – belle route en perspective !
Je me l’imagine bien ton voyageur , avec son sac sur l’épaule, sorte d’éternel vagabond qui me séduit toujours; 🙂
Bien aimé la présence de l’âne. Je passe à l’étape 2.
C’est bien de lire en continuité… merci d’être passé par l’étape 1
merci Nicolas, et à tout de suite un peu plus loin sur la route !