Ils s’accoudaient là, sur la balustrade de fer, pour contempler l’horizon et les lacets du col du Rousset en contre-bas ; mais la balustrade n’est plus, le tunnel a été remisé et bouché de ce côté par de larges pierres, le refuge et sa fontaine détruits, alors il ne reste que plusieurs poteaux sur une étroite bande de béton, dont un, similaire aux autres, ou presque, car, signe d’attention, il est lui encore pris dans le filet d’un grillage recroquevillé par terre, et traversé en croix par le reste d’une barre de fer tordue, dans le passage le plus proche du sol pour la double barrière horizontale qui filait par deux cylindres percés. Tout de fer forgé, la rouille superficielle a remplacé la peinture que l’on devine par endroit blanche, que l’horizon teinte de bleu peut-être comme la lavande d’altitude du Diois vers lequel s’ouvre la vue. Le poteau et ses acolytes bordent l’ancienne terrasse de plain-pied avec la route abandonnée, surplombant l’abîme par un mur de soutènement. Aujourd’hui passent aux alentours encore des randonneurs sur le départ d’un sentier au milieu des graminées et arbustes, mais surtout les automobilistes qui viennent pour se dégourdir les jambes ou faire leurs besoins ou ceux de leur chien, avant de retourner vers le parking en contre-bas, à côté du nouveau tunnel. Faute de barrière, plus personne ne se penche à ses abords. Qu’importe, il est là depuis plus d’un siècle et demi, il a vu passer et le tunnel, et les charrettes, vélos, motos, autos, skis, avions, il a vu passer la guerre et les témoins des terribles évènements de juillet 44, puis la paix revenue à nouveau le développement des loisirs, dont ceux d’hiver. Il a été le support pour les mains et les coudes de ceux qui, avec le bon repas, qui la truite de la Vernaison, qui le poulet aux écrevisses, l’eau à la bouche ou déjà repus, le gosier sec ou déjà étanché et égayé par la clairette et l’eau de source, se tenaient devant, s’appuyaient ou se penchaient sur la balustrade, dans un délassement du regard vers la profondeur de la vallée. Sans utilité désormais pour les humains, il se dressera encore longtemps là, comme un fantastique perchoir pour les oiseaux.
Belle évocation nostalgique. Je suis allée sur google street view pour retrouver d’où vous parliez…mais je n’ai rien trouvé.
Il faudra que je regarde plus en détail velotextes. J’ai les lettres d’un ancêtre chasseur cycliste tué pendant la guerre de 14 et je m’étais à l’époque intéressée à ce destin funeste des chasseurs cyclistes et j’avais inventé les réponses de sa femme à ses lettres. c’est sur wattpad, si cela vous intéresse.https://www.wattpad.com/216107540-de-jos%C3%A9phine-%C3%A0-c%C3%A9lestin-prologue
Sur google maps, au-dessus de l’actuel tunnel du Col de Rousset côté sud (qui date de 1979 je crois), de la route continue vers l’ancien tunnel, et au-delà des blocs de béton blancs visibles en vue satellite, il reste quelqu’uns de ces poteaux de fers forgés qui semblaient être déjà présents avant le percement du tunnel en 1866. Une photo ancienne, du début du xxe siècle probablement : https://www.lempreinte.valenceromansagglo.fr/entree-sud-du-tunnel-du-col-de-rousset,B263626101_X65.htm.
Oui, je lirai ces lettres. « Maudite soit la guerre ».
Rétroliens : Col de Rousset bis repetita #9 – Tiers Livre, les ateliers en ligne