Mes informations proviennent de deux disquettes de marque TDK. Je ne me sens pas autorisé à révéler comment elles sont entrées en ma possession. Afin d’accéder au contenu de ces supports obsolètes j’ai acheté un lecteur externe de disquette (marque Toshiba – 18€). Le bruit qu’il produit renvoie à l’époque des grattements, chuintements et sifflements qui accompagnaient l’informatique d’alors. En insérant les disquettes je n’étais pas sûr d’y trouver quelque chose (les années, l’humidité, l’exposition au soleil sont les ennemis de ces carrés de plastique). Chacune contient un dossier rassemblant une dizaine de fichiers .txt, sans doute rédigés avec le logiciel Bloc-notes (alignement du texte à gauche, absence de mise en page, police de caractère générique). Chaque .txt présente un cas d’apparition maléfique de Combi VW. Les cas les mieux documentés donnent le lieu, la date, les circonstances, le nom des témoins et les références d’un ou plusieurs articles de journaux. Tous les fichiers en français. Les signalements de Combi VW viennent principalement de France mais les apparitions en Suisse, Angleterre, Belgique et Espagne sont nombreuses. La personne qui les a rédigés s’est sans doute concentrée sur les pays dont il ou elle maîtrisait la langue – aussi, échappant à sa vigilance, des véhicules maléfiques ont-ils pu être signalés ailleurs dans le monde (je n’exclus rien). Il convient aussi de garder à l’esprit que ces .txt datent des débuts de l’internet grand public, époque où les forums de discussion étaient nombreux mais difficiles à repérer et les archives des journaux inaccessibles en ligne. Aucune information personnelle n’est contenue sur les disquettes. Le nom d’auteur des fichiers est ABCDEF, leur date de création s’étale entre février 1997 et décembre 1998. Les informations sont livrées brutes et sans commentaires. En voici deux exemples :
Port-Leucate (Aude). Août 1978. Parking du port de plaisance. Combi VW rempli de sacs Prisunic jaunes (cible rouge dessinée et slogan « Et hop Prisunic ! » en lettres grasses). Au jour 4 les sacs se mettent à suppurer. Matière épaisse et brune sur le bitume. Arrivée des gendarmes. Sécurisation du périmètre (palissades). Hommes masqués en combinaison blanches. Matin du jour 6 : plus rien. Aucune mention dans la presse locale.
Quotidien suisse « Le Journal du Jura » (3 janvier 1979). Témoin : « une camionnette Volkswagen aux vitres sales, immatriculée dans le Tessin, remplie de sacs de la Migros, parquée à Täufellen, au bord du lac de Bienne. Après plusieurs jours sans bouger elle s’est mise à évacuer par les portières un liquide noirâtre et collant. L’odeur était infâme ».
Je préfère m’en tenir à ces deux exemples anciens. Les .txt traitant d’apparitions plus récentes contiennent des informations que je ne souhaite pas, à l’heure actuelle, diffuser.
En travaillant sur ces disquettes j’ai souvent l’impression que mon ordinateur produit des gargouillements inhabituels. Comme si, les .txt ouverts, quelque chose s’animait. On s’imagine des trucs, parfois.
Ce sont les Gentianes qui m’ont conduit à cette histoire. Dans un premier temps cette présence des Combi VW se limitait pour moi à Asnières – une bizarrerie supplémentaire à ce chantier de démolition qui en comptait déjà pas mal.
Je ne suis pas policier, je n’ai pas de goût prononcé pour le Mystère. Je sais juste ce que nos vies malheureuses doivent à l’obscurité, au refus d’éclaircir ce qui nous oppresse.
Parfois j’ai le sentiment que les recherches ont été abandonnées par manque de moyens informatiques – que les disquettes contiennent tout ce qu’il était possible de débusquer au temps du 56k. J’imagine la frustration de l’enquêteur ou de l’enquêtrice. Dans mes moments d’exaltation je me sens responsable de la poursuite des recherches, moi qui ai à ma disposition fibre et 5G pour fouiner et VPN pour dissimuler mes traces.
Les .txt sont copiés sur mon disque dur, conservés dans un dossier en haut à gauche du bureau. Certains soirs je le parcours avec le vague espoir que quelque chose se révèle que cent lectures n’ont pu mettre à jour.
J’ai rassemblé les informations disponibles dans un tableau Excel. Le fichier .xls compilant les données disponibles à l’heure où j’écris ces lignes est disponible ici.
Quelqu’un découvrira-t-il ce que j’ignore encore ? J’ai besoin d’aide. Vraiment. Je ne veux plus être seul avec ça.
Total soutien. T’es pas tout seul Xavier.
Non seulement tu n’es pas tout seul, mais je les parle les langues, moi… J’attends une mission claire. Peut-être pourras-tu l’énoncer le 31 de ce mois, lors d’un rendez-vous à ta convenance. Sans compter que j’ai un truc pour toi, susceptible de ne pas faire avancer cette affaire.
Au Portugal on les appelle « Pain de mie » ! 🙂 Au cas où…
Beaucoup aimé ton texte !
oh moi je me contente de penser que j’ai eu de la chance (de ne pas rencontrer de Combi, bien entendu… pas de ne pas rencontrer d’enquêteur… bien sûr)