Poursuite du monologue de Lui qui attend dans le jardin public, il en a marre de faire les cent pas dans ce jardin suranné. Des lilas, des lilas, encore des lilas. Leur odeur entêtante. Il se souvient des brassées de lilas au pied de l’autel. L’homélie affligeante du curé, ses effets de manche. Envie de hurler.
Un an déjà depuis le décès de ma mère. Mon père a décidé d’une réunion familiale pour honorer la disparue. Par une messe en l’église, commence ce temps du souvenir. Le prêtre, en chaire, se déchaîne. Il glorifie avec emphase les qualités chrétiennes de la défunte.
Joséphine, épouse aimante
Joséphine, mère attentive
Joséphine, fille respectueuse
Joséphine, Joséphine, Joséphine…
Ma mère se prénommait Lucienne. Il ne l’a jamais rencontrée.
Lucienne n’était pas une pratiquante assidue. Il ne sait rien d’elle.
Ma mère n’était pas épouse aimante, mais possessive.
Elle n’était pas mère attentive, mais obligée.
Elle n’était pas fille respectueuse, mais oublieuse.
Il se gargarise de mots éculés, les mêmes répétés à chaque cérémonie.
Il aime les effets de manche.
Je le revois s’enflammant : « C’est dans sa lumière que nous allons demander à Dieu d’accueillir Joséphine auprès de lui. Dieu est plus fort que la mort. Cet adieu est un À Dieu. »
Bon Dieu, il délire, il joue avec les mots et il n’est même pas capable de faire correctement son boulot, de lui donner dans son sermon le prénom qui lui revient.
Tu entends, vieux con, ma mère s’appelait Lucienne, pas difficile à retenir, j’épelle :
L U C I E N N E…. Lucienne, quoi !