Ha! Les chaussures! Ils allaient en chaussures de marche, celles toutes neuves aux lacets impeccables et à tenue rigide des jeunes retraités, et celles qui avaient marché longtemps sur les chemins de campagne ou les sentes des montagnes. Choisies soigneusement pour l’occasion et couleur accordée aux autres vêtements elles désignaient vite les tranquilles les pas pressés ceux qui marchaient rarement, tandis que celles enfilées machinalement, faites aux pieds de leur propriétaire, avaient une couleur indéfinissable de la semelle aux scratchs, et délavées de toute couleur montraient de suite les grands marcheurs ceux qui partent vers deux heures le matin pour être sûrs de bien arriver au sommet à l’heure prévue. Oubliées les grosses chaussures Rigides en cuir avec semelles à clous ou à crampon des années 1920. On est en Isère et les marcheurs souvent ne se contentent pas de randonnées tranquilles, ils sont si près du Vercors et des Alpes, elle, arrivée depuis peu, avait mis des baskets et s’était fait taquiner le jour de sa première randonnée de quinze heures: peu avant deux couples étaient partis en sandalettes et espadrilles, s’étaient moqués au passage d’un père en train d’assurer ses deux petits enfants pour une descente difficile, “Vous montez encore? vous ne devriez pas la nuit tombe vite ici” n’avaient pas écouté avaient continuer leur montée, trois heures plus tard, ils étaient revenus sur leurs pas, effrayés et perdus, incapables de descendre, et la nuit allait tomber très vite. Un autre marcheur les avait secourus. Ah! les chaussures, elle ne s’en occupait pas des chaussures, les blanches à velcro étaient les plus récentes elle les avait achetées trois ans avant à Grenoble, où elle était allée voir l’exposition Marc Chagall place Lavalette, aucun rapport avec les chaussures si ce n’est qu’en sortant du musée et avant d’aller dans un petit restaurant sous les bannes rouges de la place Grenette elle voulait voir la Librairie Artaud, sur quatre étages, surtout son escalier en pierres puis était tombée sur ce magasin de chaussures dont elle avait tout oublié, ce qu’elle n’avait pas oublié, c’est Grenoble, elle y retournerait souvent.
La conférence. Ils entrent nombreux dans la grande salle qui a vu passer dix-sept conférenciers. Elle est grande, avec un minimum de confort mais on n’est pas venu pour ça. De grandes tentures noires occultent les fenêtres, la sono fait des essais encore, c’est à la bonne franquette. La scène est spacieuse et déjà prête, une grande table sur des tréteaux, une nappe couleur vert foncé, les micros sont en place, le verre et la carafe aussi. Elle lui tient à coeur cette conférence, Paul Jorion, elle l’a découvert par son ami, il sait de quoi il parle, trader aux États-Unis, ethnologue, psychiatre, ils l’ont entendu souvent sur internet, elle veut le comprendre, et pas lui seul d’ailleurs, Elle veut comprendre ce monde. En attendant qu’il arrive, elle regarde le livret programme des animations et des conférences très complet : Deux cent trente exposants de produits bio, produits frais, des informations sur l’actualité de l’environnement et l’écologie, désir d’une société écocitoyenne et solidaire, ateliers de permaculture, découverte des animaux la nuit, ateliers pour petits et grands et ce dimanche, conférence attendue donc. Ce catalogue est très vivant, coloré, elle va le garder celui-ci. Elle collectionne ces dépliants de tous les endroits où il se passe quelque chose, elle en a un qui explique comment venir en aide à une jeune importunée dans le tram, pousser des exclamations de joie – Hé, bonjour, comment vas-tu depuis le temps- l’embrasser, s’asseoir à côté d’elle et dire à la cantonade c’est ma cousine, faire diversion, et voilà. Sur la magnétothérapie, ses petits ou gros aimants placés en amont et en aval de la douleur, ça a bien fonctionné, médecine douce, elle aide à moins prendre de médicaments. Elle a « le petit crapahut » de jean-Luc Rigoux, cinquantes ballades autour de Saint-Etienne de trois heures maximum, les circuits en couleur sont très bien indiqués, pas de risque de se perdre. Elle garde précieusement celui de Fragonard, seule et unique fois où elle a acheté une eau de parfum, « Murmures » aux odeurs orientales, ils étaient allés à Grasse et avaient visité la parfumerie. Elle regarde souvent ces catalogues ou simples feuillet, elle repense à ces années où ils faisaient de simples tracts avec une ronéo, feuille à feuille, c’était une très vieille machine très grosse mais on a imprimé des tracts politiques, des publicités pour les associations, réunions, spectacles, pendant quatre ans, avec ardeur on avait travaillé puis faute d’argent on avait dû arrêter!
Celui qui allait écrire plus tard « Le dernier qui s’en va éteindra la lumière», a parlé du capitalisme à l’agonie, on fait partie, on baigne dedans on est né dans le néo-capitalisme, il n’a pas donné de solution, il n’a pas redonné foi en l’avenir, il ne croit pas que se mettre au vélo et cultiver son potager va améliorer les choses, il faudrait que les plus riches soient impliqués. Il croit plus en l’avenir des robots qu’à celui des Cyborgs, les «cybernetic organism». Notre incapacité à envisager la fin qui nous guette nous perd. Elle écoute aussi Alain Damasio pour ne pas être totalement perdue. Elle en reparlera.
Que sont les chaussures par rapport aux livres….j aime bien le ton du texte Simone et nous sommes plongés avec ce regard amusé dans la marche…il faudrait maintenant voir si elle marche avec un sac à dos forclaz ( rapport à un autre texte de l atelier…)
« Que sont les chaussures par rapport aux livres…? tu m’ouvres une réflexion…le rapport, je l’ai mais c’est dur à écrire (Un rapport avec sa façon d’avancer dans la vie. comment elle bute sur avancer, sur tout…) Je n’ai pas lu les textes encore, je vais aller voir ce sac à dos forclaz. Je n’ai pas fini, je veux en faire quatre, je complèterai à mesure, j’essaie d’écrire directement sur WordPress. Emmanuelle Pyrère me déconcerte je voudrais lire ses livres. Merci de ton retour, Marie-Caroline…Si, j’avais lu ton Velléda, je viens de le relire, tu as bien enchaîné tout ce qui est autour, le sous-jacent ! Je voudrais trouver le temps de relire tous tes textes à la suite, ceux des autres aussi ça, c’est super. Tu n’as pas encore envoyé le PDF j’ai vu, mais où trouver tout ce temps ? + enregistrer sa sentimenthèque! C’est passionnant tout ce que François nous fait faire.
de toutes façons les chaussures priment… on ne peut penser, écrire ou marcher bien entendu si on n’est pas bin chaussé
Merci de votre commentaire Brigitte. Chaque fois que vous m’en mettez un, je suis très reconnaissante et vous me faites du bien. C’est un peu dur en ce moment entre les textes, l’enregistrement de la Sentimenthèque, le PDF et les podcasts, mais c’est tellement prenant et intéressant. Merci beaucoup – remarquez pieds nus, ça me va très bien aussi pour penser, écrire et marcher.