TE CHERCHER tôt le matin quand les étals du marché se remplissent que les poissonniers disposent le corps inerte des poissons luisants sur des lits de glace et d’algues brunes TE CHERCHER avant que trop de monde n’afflue pour se ravitailler TE CHERCHER avant la chaleur étouffante
TE CHERCHER dans l’allée des bouchers des volaillers des charcutiers proposant tripes et boyaux farcis lovés comme des serpents repus au soleil TE CHERCHER dans l’allée des herboristes des apothicaires des cartomanciens des fleuristes TE CHERCHER sur les terrasses des buvettes mais il n’y a que deux femmes assises sur des chaises rouges qui boivent un thé TE CHERCHER au milieu des jeunes mères portant leur enfant blotti sur la poitrine et des hommes tirant un chariot de courses
TE CHERCHER près des rangées de cages dans lesquelles canaris perruches cygnes roselins colombes passereaux à bec jaune ont replié leurs ailes TE CHERCHER quand la chaleur monte quand la foule emplit les allées du marché TE CHERCHER observant de jeunes princesses fendre la cohue de leur arrogante beauté et des vieillards s’y frayer un passage incertain TE CHERCHER parmi les corps vifs parmi les corps usés parmi les décharnés les frétillants les boursouflés parmi les corps musculeux à peaux lisses et tatouages luxuriants à la démarche rythmée checkant poing contre poing des deals conclus à la va-vite TE CHERCHER me demandant comment le temps a pris ton corps est-ce qu’il t’a épaissi déjà courbé asséché quelles rides ont mordu ton visage
TE CHERCHER au milieu des petits des grandes des maigres parmi les silhouettes en noir, les vestes à fleurs, les robes rouges ou vertes soyeuses TE PRESSENTIR dans la multitude une silhouette qui se faufile et se dérobe TE CHERCHER dans les visages croisés dans les yeux qui me transpercent sans un regard TE CHERCHER en remarquant ces jeunes qui distribuent des prospectus, tous vêtus d’un pantalon sombre, d’un polo beige et d’une casquette noire TE CHERCHER dans le brouhaha percé d’exclamations d’onomatopées dans ces tonalités que je connais mal même si parfois d’un mot d’une phrase jaillit un sens TE CHERCHER sur les passerelles qui relient les tours sous les arches qui abritent les trottoirs TE CHERCHER dans les squares où les domestiques philippines se retrouvent échappant pour une heure à leur semi-esclavage TE CHERCHER dans les ruelles pouilleuses derrière le port TE CHERCHER en sursautant quand je crois reconnaître ta voix sa tessiture rauque ses rires contenus TE CHERCHER dans les bars le long des quais TE CHERCHER au pied des avenues résidentielles qui sinuent sur la colline TE CHERCHER dans les rames dans les couloirs de métro dans les autobus en partance pour les Nouveaux Territoires TE CHERCHER le soir longeant les scintillements de la Baie scrutant les silhouettes qui se découpent entre l’ombre et les lumières TE CHERCHER dans les ruelles surpeuplées qui s’étagent vers le Nord TE CHERCHER dans le dédale des cours d’immeubles dans les travées des marchés de nuit TE CHERCHER sans relâche TE CHERCHER
J’ai commencé dans l’esprit de la proposition 8 (je crois) et finalement c’est une sorte d'accumulation, peut-être un ressassement…
Cela fait résonance en moi avec le poème de Prévert :
« Pour toi mon amour » dans son livre PAROLES –
Quelle jolie quête !
Résonance à laquelle je n’aurais pas pensé. Merci Clarence pour votre visite et votre écho.
un peu comme un solo de Charlie Parker, quel rythme. alors ça serait ça qu’est venu faire le personnage de seul dans la ville ?
oui, c’est ça qu’est venu faire le personnage de Seul dans la ville chercher quelqu’un sur ordre du Réseau, avec aussi d’autres motivations, jusqu’où ira-t-il. Merci beaucoup pour l’écho et pour l’évocation de Charlie Parker.