Je suis la voix. La voix de la raison ou bien de la déraison? Peut importe. Ceci ne compte pas. La question qu’il convient de se poser est de quelle voix s’agit-il ? Le protagoniste, le migraineux, le grand noir, la fille du premier, le clochard, la vieille femme, l’enfant, le policier? L’auteur n’a pas jugé utile de leur donner un nom. Vous les reconnaîtrez pourtant car il leur a donné une voix. La tessiture de cette voix leur donne forme. Ils appartiennent désormais a la réalité. Votre réalité. Je suis la voix du livre. En quelque sorte le point de convergence de toutes ces voix. Une voix de livre? Et pourquoi pas? La chaise a bien une voix dans cette histoire. Non attendez n’arrêtez pas votre lecture, ne refermez pas mes pages, vous êtes si près de la fin, cela serait dommage. Pourtant ne vous attendez pas à des révélations fracassantes. A un dénouement inattendu: il n’y en a point. Le protagoniste est il coupable ? Je ne le sais pas plus que vous. Encore faudrait-il connaître le crime dont on l’accuse. Mais la n’est pas la question. Je sens poindre une note d’agacement dans la façon dont vous serrez ma couverture. Je m’explique: un livre ne prend vie que parce qu’il est lu. C’est sa seule raison de vivre. Vous déchiffrez les minuscules caractères noirs. Exercice qui semble d’une facilité déconcertante. Mais cela ne fait pas la voix. Non la voix reste une production humaine. Ce n’est pas quelques feuilles de papier recouvertes de lettres qui ont ce pouvoir . La voix vient ensuite. Après que vos pupilles aient capté les petites taches noires, après que votre cerveau les ai assimilées dans le cortex. Après que vous en ayez compris le sens. Que vous l’ayez assimilé et digéré. Que vous le teintez de vos propres couleurs, votre tessiture unique. Alors seulement naît la voix. La voix c’est vous.