Codicille : Après vision de la vidéo #L8, n'avais pas envie d'écrire bloc continu parce que, dans ma tête, suis parti sur : foule de narrateurs/narratrices plutôt qu'un ou une seule. Avais alors envie de répondre à #L8 en enchaînant les propos : propos de Cha, propos de Mol, de Baa et d'autres encore. Propos s'enchaînant et faisant comme une histoire, dessinant (croisons les doigts), en bout de course, comme une histoire... Et puis : me suis ravisé : ai fait, gentiment, ce que j'avais compris de la proposition de François. Ai écrit un bloc, un seul, comme s'il s'agissait d'un seul propos, celui de Cha... Le publie tel quel, sans retouche... Mon intention pourtant : le fragmenter, glisser entre ses lignes d'autres propos, tenus par d'autres que Cha, par d'autres "anges déchus". Faire de ce texte (comme les autres écrits en brouillon, faisant fichiers quelque part dans mon ordinateur), une chose en expansion. À partager (donner à lire) peut-être un jour, plus tard, fin août, en .pdf (trop tôt pour le faire : pas assez de fragments écrits, pas encore d'agencements des choses : juste des idées d'agencement, des idées et envies de continuité : rien d'autre pour l'instant) (on a le temps)...
Sinon : dire encore ceci : le point de départ de cette #L8 est une photo de Lise Sarfati. Pas celle compagne de ce texte. Une autre. Les photos de Lise Sarfati étant, pour moi, une grande source d'inspiration pour ce "PROPOS DIVERS (tenus dans le noir & dans les eaux)", titre toujours & encore provisoire de ce projet de livre...
Merci, d'avance, à celles & ceux qui liront fut-ce un bout de l'affaire. Merci (& courage ! haha !) à celles & ceux qui s'obstineront à lire l'affaire jusqu'au bout (là, je mettrais une émoticône, s'il était possible de mettre ici, dans le codicille, une émotiône !). Merci encore, d'avance, à celles & ceux qui laisseraient, en bout de course, un commentaire...
Et puis, sinon, belle journée à tous & à toutes...
& ceci, dis-je, pointant du doigt la goutte épaisse (verte & épaisse) (phosphorescente) chue à l’instant (dix minutes à peine) du plafond & maculant la table à quinze centimètres (à peine) de Sat (de la tête de Sat) endormi tombant (lui) (d’un coup) (P_A_N !) sous les coups de butoir d’une fatigue intense lui faisant contre son gré fermer les yeux & choir (P_A_N !) (d’un coup) sur la table (sa joue heurtant la table (violemment) & s’y posant on dirait pour la nuit sans qu’il se réveille) toi (toi toi) tu crois (vraiment) (réellement) que : ceci est définitivement une goutte de pluie, demandai-je à Baa, se penchant sur l’affaire, examinant, au plus près, de ses yeux miros, la goutte, tombée à l’instant (épaisse & verte), sirupeuse, aucune eau de pluie, percolant par les toits, les greniers & étages supérieurs ne pouvant ainsi choir (P_A_N !) épaisse (verte & phosphorescente) sur une table en bois ou par terre (aucune eau de pluie ne prenant l’allure (en tombant du ciel) d’une goutte épaisse, dis-je) (aucune eau de pluie (liquide) (claire ou chargée de boue) ne pouvant d’un coup (P_A_N !) (même chargée de boue) passer d’un état liquide à celui (sirupeux) de cette goutte, dis-je, la pointant du doigt (à bonne distance) (comme s’il fallait se méfier) (d’abord se méfier) (ne pas toucher des doigts (sans gants verts) (en latex) des substances inconnues (fussent-elles liquides) (ou prêtant à confusion) (Bel disant : bah & : rien & : c’est de la pluie & : c’est tout dès que la goutte (sirupeuse & verte) (phosphorescente) chut (interrompant nos conversations (nocturnes & à voix basse) dans un bruit immonde de succion) (Cha venant de poser sur la table (avec délicatesse) sa tasse personnelle (son mug, comme il aima dire, disant mug pour tasse personnelle), n’ayant même pas eu le temps d’avaler la goulée de café froid (de chicorée) qu’il vint de saisir en bouche, manquant de peu de recevoir la goutte sur la main (Cha n’ayant pas eu le temps de retirer sa main, ayant encore la main sur le mug), l’une d’entre nous disant alors : hé mais qu’est-ce que c’est) (comme s’il était possible de confondre ça, dis-je, pointant du doigt la goutte épaisse, & de la pluie) (comme si la pluie(même chargée) pouvait choir (épaisse & sirupeuse) & provoquer ça, dis-je, pointant du doigt (à bonne distance) la petite fumée se dégageant maintenant (nom de nom) (dix minutes à peine après la chute dix minutes à peine) de l’impact & de la table (comme si la goutte, soi-disant de pluie, consumait la table, lui faisait peu à peu prendre feu), frémissant nous autres à l’idée terrible qu’à quinze centimètres près elle eut pu choir (du plafond) (verte & sirupeuse) (corrodante) sur la tête blonde de Sat (son cuir chevelu ou sa tempe) provoquant en Sat des dégâts magistraux, dit Baa (irréparables, dis-je) & certains d’entre nous scrutèrent des yeux la pénombre & certaines crurent repérer au plafond une faille phosphorescente & purulente & d’autres dirent nom de nom se couvrant des mains la bouche & d’autres voulurent secouer Sat, réveiller Sat, d’urgence, le sortir de sa torpeur, d’urgence & d’autres les en empêchèrent, retenant de toute leur force les mains & les bras s’avançant vers Sat, prétextant qu’il fallait laisser Sat, ne pas déranger Sat, laisser dormir Sat, endormi sur la table, la tête posée sur le bord, ne se réveillant pas, malgré le ramdam, les murmures de nos voix, la panique, malgré nos efforts, nous gagnant peu à peu & d’autres dirent que cela n’était rien, que cela était là, depuis toujours là, qu’ils l’avaient remarqué dès le premier jour, quand nous nous installâmes, prîmes nos quartiers, squattant l’usine, l’entrepôt délaissé, le troisième étage, abattant les cloisons & faisant de la place, balançant par les fenêtres les cartons pourris, les métaux déglingués & les clous de neuf pouces, plissant alors, nous autres, à notre tour, des yeux, tâchant de voir, repérer, dans la pénombre, au milieu du fatras, des peintures qui s’écaillent, du plafonnage qui s’effrite & des taches humides, la faille (immense & verte) (phosphorescente), visible, dit Bel, agacé, comme un nez au milieu d’un visage, Bel s’emportant pour un rien, ne supportant aucun contretemps, pointant de la main la faille, la si visible faille, ne supportant pas nos spéculations infinies sur : ce qui ferait faille, ou pourrait faire faille, ou serait réelle faille, ou relèverait d’une peinture, simple peinture, qui s’écaille & choirait du plafond par plaques entières, recroquevillées sur elles-mêmes, des fois en plaques, épaisses & larges, des fois en plaques, fines & légères, choyant sur la table, maculant, parfois, la table d’une poussière blanche, fine & légère, maculant, une fois, nos salades &, une autre fois, nous faisant pisser de rire : la peinture, choyant du plafond en poussière ultra fine & légère, se posant (P_A_N !) ultra fine & légère à la surface de nos cafés bouillants, comme s’il s’agissait d’une poudre de lait, ultra fine & blanche, Baa, distrait, absorbé par le journal, les jeux du journal, mots croisés & sudokus, sortant très tôt le matin, dans la brume matinale, achetant le journal pour les jeux du journal, mots croisés, flêchés & sudokus, se fichant des nouvelles du jour, mauvaises, immanquablement, ne remarquant rien de rien, ingérant, d’un coup (P_A_N !), son café & sa poussière fine fine fine, Baa, d’un coup, se pourrissant l’intérieur, dis-je, d’un coup, mort de rire, se dégradant l’intérieur, dit Sat, pour toujours, rien ne pouvant détruire, venir à bout, des atomes & des poussières fines, dit Sat, mort de rire & certaines désespérèrent & des épaules s’avachirent & d’autres dirent fini fini & d’autres dirent je mets les bouts & d’autres partirent laissant ici ce qu’ils avaient ne souhaitant rien emporter & d’autres leur dirent qu’ils ne pouvaient pas faire ça & d’autres leur dirent que ça ne se faisait pas & pourquoi pas, répliquèrent-ils & parce que, répliquâmes-nous & tandis que nous parlâmes en venant presqu’aux mains, tandis que nous tâchâmes ardemment de convaincre, tandis que certaines suggérèrent que nous montions la garde, tandis que d’autres dirent encore qu’il serait tout de même simple, beaucoup plus simple, de nous mettre enfin à l’ouvrage, de nous atteler enfin à l’électricité, d’arrêter de vivre ici en troglodyte, femme ou homme des cavernes, nos bougies & nos lampes à huile ne suffisant pas, c’est criant, dirent-ils, comme un nez au milieu d’un visage, à voir clair, à déceler ce qu’il y aurait au plafond, faille ou simple peinture qui s’écaille, d’autres avancèrent qu’il fallait quitter les lieux, d’urgence & d’autres abondèrent dans ce sens & d’autres dirent qu’il fallait faire nos paquetages, d’urgence, ne pas attendre que d’autres gouttes, multiples & infinies, nous choient sur la tête ou sur les tempes, dirent-ils, au risque de nous griller pour de bon la cervelle ou l’intelligence, dirent-ils & l’un d’entre nous suggéra qu’on y verrait plus clair le matin, une fois la brume passée & un autre lui demanda, sans crier gare, & on fait quoi jusque là & alors que l’un & l’autre se prirent par le col & alors que les coups allaient pleuvoir : trois autres gouttes churent coup sur coup du plafond & trois autres gouttes maculèrent la table & le plancher, corrodant la table & le plancher, dégageant, illico, une fumée épaisse, aigre & noire, prenant à la gorge & nom de nom, je dis, faut faire quelque chose, là, non, faut faire quelque chose, là, non, je dis, & l’on suggéra de réveiller Sat, certains disant qu’il serait fou, criminel, de laisser quelqu’un, l’un des nôtres, dans l’ignorance crasse, d’autres disant qu’il serait fou, criminel, de laisser quelqu’un, l’un des nôtres, à la merci de ça, dirent-ils, pointant du doigt la substance, les gouttes (vertes & phosphorescentes) choyant une à une du plafond, maculant la table & le plancher, souillant nos vêtements & nos couvertures de laine laissées là, n’importe où, recroquevillées, en tas immondes, à la merci de ça, une substance hautement acide, corrodant, peut-être, les matières, toutes les matières, leur faisant prendre feu, les tissus humains, à coup sûr, n’y résistant pas, ne pouvant faire barrage, s’éteindre d’eux-mêmes, les tissus humains étant fragiles, hautement fragiles, étant : inflammables corruptibles & corrodables, dirent-ils, les tissus humains ne faisant pas le poids & d’autres suggèrent de sortir nos outils, de tendre, comme nous pourrions, dans le noir, au-dessus de la table, au-dessus de nos têtes, des toiles, des tissus métalliques, en matières subtiles (non-inflammables, non-corruptibles, non-corrodables) & d’attendre demain pour y voir clair, dirent-ils & d’autres dirent pas question & d’autres paniquèrent courant à toute blinde jusqu’à leur casier, rangeant leurs affaires dans des sacs plastiques, réveillant, sans le vouloir, celles & ceux qui dormaient, s’étaient avachis, à la tombée de la nuit, sous leur couverture, à même le sol, ou sur une paillasse, vieille paillasse, vieux matelas de laine, rafistolés, dix mille fois, par des doigts experts, tordus par l’ouvrage, la manipulation des aiguilles incurvées, ultra solides, ultra pointues, transperçant les matelas en des points précis, calculés avec art, & d’autres les prièrent de rester, ôtant de leurs mains leurs paquetages, les invitant à : ne pas quitter ainsi l’usine, le troisième étage, l’entrepôt & la cour intérieure, sur un simple coup de tête ou une grave panique & pour aller où, dirent d’autres, pour aller où, & comme si le monde autour n’était pas ravagé, comme si le monde autour était encore debout, dirent-elles,
Beaucoup aimé ton texte Vincent : l’esperluette qui brode et relie, noue ; l’usage de la typographie (parenthèse, tirets, majuscules, italiques et romaines), qui me laisse l’impression d’un foisonnement, d’une urtication de la langue. La goutte acide et phosphorescente qui vient perturber ce microcosme (d’ailleurs, la photo est une possible illustration : regard de l’enfant saisi dans une lumière artificielle et verte d’aquarium) est dérangeante, lourde de tout ce que à quoi elle renvoie : squat pollué, risque chimique, etc.
hé ! bien vu, ce que tu dis sur le non-dit : c’est qqch qui compte bcp pour moi : ne pas tout dire, créer des « vides » que les lectrices et lecteurs, s’ils le souhaitent, peuvent remplir de tout ce qu’ils/elles projèteraient ! du coup : content que, dans ce texte-ci, il y ait de ça, de ces non-dits ! youhou !
et puis et puis : soulagé, aussi, par un commentaire comme le tien : je me demande toujours, en partant dans des dérives comme celles-là, un peu typographiques, un peu grammaticales, si « on arrive à suivre » ! haha ! du coup : bon de savoir que, oui, certains certaines arrivent à suivre ! haha ! tant mieux !
je t’embrasse !
… on dirait que, de la terrasse du Rwanda à cette goutte épaisse et verte et sirupeuse (phosphorescente surtout) (en passant par les tables du sushi bar), la même histoire se poursuit comme une fresque que le rythme de la langue homogénéiserait P_A_N ! heureusement il y a ce P_A_N il nous sauve de la goutte fatale qui nous hypnotiserait bien… (CHOIR, eut pu choir, chut, choyant, chu ) autre repère, et même si on échappe à la chute de la goutte hypnotisante, on est cueilli par celle du texte ! me suis bien fait plaisir en tentant de lire à haute voix… juste une question que je me pose 5 lignes avant la fin » et d’autres LEUR(?) prièrent de rester »_ merci pour ce moment (à côté de la langue) en attendant ce que le codicille annonce.
oups ! bien vu pour le « LEUR » ! vais changer la chose illico !
sinon : oui oui, me disais cela tout à l’heure, après avoir posté, que tout cela fini par faire comme un grand texte ! dans le fond, en lisant ton commentaire, je me dis que je ne suis « bon qu’à ça » : tenter de faire qqch qui tournoie (ou tourbillonne) un peu : c’est vraiment ma marotte, mon dada. tenter de faire, si possible de mieux en mieux (pas gagné à l’avance), une façon d’appréhender les choses, de poser ainsi une bribe infime de réel dans un « piège de langue ». dans le fond, je ne fais que ça : construire des versions 1 puis 2 puis 3, etc., d’un « piège de langue », tentant à chaque fois (si possible) d’améliorer les choses.
et, en fait, j’adore écrire comme ça ! hihi !
haha ! ce que le codicille annonce, c’est vraiment une façon de me botter les fesses : d’arrêter de procrastiner et prendre l’affaire à bras le corps ! faut que je prenne juste le temps de soigner encore un peu la typo, l’enchaînement des choses, les « voix » aussi et puis, hop !, basta !, je balancerai l’affaire en ligne !
… me semble qu’elles servent à ça les pistes qu’on lance, un défi qu’on se lance à ferrer le gros quand on croit la bonne pêche terminée !
(oui oui oui : c’est ce qui a de bien, avec les codicilles (et la #L7 aussi) : ça nous permet (je trouve) de réfléchir, dire ce qu’on fait, ou avons l’intention de faire, ça nous permet de dire nos « rêves de livre » et, du coup, ça nous pousse toujours en avant, ça nous pousse aussi à oser… j’adore ça !)
Lu jusqu’au bout. L’impression de reconnaître un flux déjà perçu dans certaines pièces, mais sans pouvoir réellement les nommer.
oui oui, bien vu ! je suis comme un diesel, en fait : faut le temps que le moteur chauffe, que toutes les pièces de la mécanique « fluidique » se mettent en place ! du coup, j’écris bcp par « essais/erreurs », par lentes avancées/mises au point d’un « régime de langue »… ici : tout n’est pas encore mis en place (pour ça que j’hésite encore à mettre en ligne le pdf : faut que je peaufine encore des trucs, des détails typo et des façons de faire des enchaînements) mais j’ai plein plein de pistes dans mes notes (c’est déjà ça !)
Grand sauvage! Cet texte à entrées et sorties (avec de la pisse – je l’avais dit – et du Sudoku – de train), quelle affaire dis. Puissant comme tout, puis très intéressant dans cet foisonnement très organique, qui ne cesse de dire et d’ouvrir à chaque enchainement d’autres sensibles / possibles. De l’écriture en processus « open source », code mis à « disposition » des lecteurs. On en reparle. Bises bises!
haha ! texte à mille lieues de ce que je t’avais dit hier ! haha ! comme quoi, faut jamais être sûr de rien ! merci d’avoir lu ! à demain, amigo !
J’aime à croire que la table et le mug proviennent d’un magasin d’ameublement suédois dont j’imagine assez bien Sat en posséder des stock-options. C’est bigrement bien écrit.
haha ! toi, je subodore que tu vois en Sat un capitaine d’industrie particulièrement véreux ou sans scrupule capable de faire n’importe quoi, sans remords, pour se faire un max de fric ! haha ! (je pense bcp au Palahniuk que tu m’as refilé, ces jours-ci : faudra que j’essaie de tirer vers les eaux Palahniuk en passant ce texte-ci à la moulinette (genre moulinette comme exposée brièvement dans le codicille). je t’embrasse, tu tio (je crois que c’est comme ça qu’on dit, en espagnol, no ?)