#L7 | Tant de nuits

Nos jeunesses ébauchées
Le reste de nos vies
Si loin de moi


Tant de nuits, Alain Bashung

Dans la remise en question de la première phrase, du premier texte, le doute qu’il soulève dans le récit, se situe tout l’enjeu du texte à venir. Ce qui détermine le moment de la rencontre, de la décision et de ses conséquences, cet instant où tout peut basculer, comme survient un brutal changement de lumière, s’esquisse un sourire sur un visage, tout ce que cela peut déclencher, transformer. Ce moment de vérité. Mais également le doute, la méprise.

« Qui peut savoir quand ça arrive, le moment précis, à la seconde près, connaître le lieu et l’heure de la rencontre ? La première rencontre. Elle se répète et se rejoue avec le temps, au point de ne plus ressembler à la réalité du moment vécu. Mais c’est penser que la réalité d’un instant se fige dans le temps. À tout jamais. Dans l’esprit et la mémoire de ceux qui la vivent. C’est un leurre. Une fiction. »

C’est le lieu qui est déterminant. La maison abandonnée. L’idée que j’avais effleurée dans d’autres textes, y compris dans un précédent atelier, autour de cette sensation toute personnelle, d’entrer dans les maisons de personnes qui ne sont plus chez elle et qui nous demandent d’arroser leurs plantes ou de nourrir leur chat. En leur absence, visiter l’appartement. Jouer avec cet interdit, ne pas se montrer, le cœur qui bat dans l’obscurité ou l’espace vide des pièces. Ne pas laisser de traces, mais fouiller un peu, par curiosité. Entrer dans l’intimité de gens qu’on ne connaît pas finalement. Là, c’est une maison qui existe sans exister.

Dans la maison vide aux pièces nues, ses longs couloirs sombres et désolés, murs au papier peint défraîchi que la pénombre ternit prématurément, leurs volumes évasivement redessinés par la lumière franche des lampadaires dans la rue déserte, les formes mystérieuses qu’elles projettent au plafond, lambeaux fantomatiques qui se balancent et basculent régulièrement lorsque les voitures, aux phares étincelants, filent à vive allure, en contrebas, s’y promener comme si c’était la première fois, à la découverte d’un lieu inconnu, ou si, par jeu, on y déambulait les yeux fermés, en tentant de parcourir l’espace à l’aventure, à l’aveugle. La fatigue d’une nuit d’insomnie à chercher en vain le sommeil, préférer se lever lorsque tout le monde dort dans sa chambre, pour visiter la vieille demeure à son rythme en faisant attention que personne ne se réveille et ne nous remarque. Dans la pénombre sourde, le silence ténu, la peur d’être surpris à tout moment, persuadé pourtant que tout le monde dort.

Enfant j’aimais me promener dans ces maison vides. Il y avait quelque chose d’étrange et fantomatique.

Au début du deuxième tome du livre de Virginie Despentes. Vernon Subutex, disquaire à Pigalle, a complètement sombré depuis qu’il a fermé boutique. Il erre près des Buttes-Chaumont, dort dans une maison abandonnée. Cette maison, il s’agit de la Villa Zilvelli, située sur la Butte Bergeyre, dans le 19ème arrondissement. J’avais eu l’idée quelques années plus tôt d’utiliser moi aussi cette maison comme décor d’un de mes textes. J’habite le quartier et je travaille à quelques centaines de mètres de la butte Bergeyre. Cette maison m’a toujours fascinée. Je ne suis pas le seul. Aujourd’hui c’est compliqué d’écrire un texte sur cette maison qui est le lieu central de l’histoire. J’ai choisi de prendre la bâtisse en brique rouge qui se trouve de l’autre côté de la rue et dont l’architecture est assez insolite. Le panorama aussi troublant. On dirait un phare.

Ce sont les interactions entre les personnages, leurs liens qui évoluent au fil des textes, sans plan préconçu (au départ tout au moins) qui s’imbriquent et s’influencent sans cesse. On part d’un quatuor. Un couple et leur fille qui rencontrent un garçon en vacances, sur une plage à Marseille. Ces vacances sont bouleversées par le départ précipité du couple et de leur fille. Ils remontent sur Paris. Que fuient-ils ? On ne sait pas bien. Une ombre sur leur passé. Une menace. Un foyer impossible à maintenir. Qui les oblige à se déplacer sans arrêt. Dans l’impossibilité de se fixer. Ce qui explique la tension palpable entre la jeune fille et ses parents, son besoin de s’éloigner d’eux, qui dépassent la crise de l’adolescence qu’elle traverse.

Avec le recul, je me rends compte que la plupart des adolescents traversent cette période comme s’ils vivaient au milieu d’une guerre, d’un conflit armé. Leur aveu rétrospectif sur ce qu’ils ont traversé est aussi fort que le moment où cela se passait et qu’on avait du mal à comprendre. Dans l’oubli de ce qu’on a soi-même traversé, qui s’est effacé avec le temps.

Prolonger le plus possible cette tension liée au mystère des raisons qui poussent ce couple à fuir, de maison en maison, à la recherche d’un refuge introuvable.

Cette jeune fille ne supporte pas ses parents. Ce qu’ils lui font vivre et c’est vrai que leur vie de fugitif est d’une rare violence dans l’instabilité qu’elle induit au quotidien pour leur enfant.

C’est un texte sur la fuite en avant. Sur la relation entre les hommes et les femmes, entre les parents et leurs enfants. Sur le mensonge et la vérité. Sur la ville et sa violence.

Cela commence par des tensions familiales, des problèmes de couples, une légère angoisse. Mais peu à peu, les menaces se précisent et les portraits qui se dessinent sont ceux de personnages perdus, marginaux. Et la tension ne cesse d’augmenter, au fil des chapitres qui s’achèvent sur des notes qui attendent leur résolution, dans une dissonance pétrifiante. Utiliser le rythme de l’écriture, des phrases longues, décrivant avec une précision clinique les faits mais aussi les ressentis, qui sont autant de monologues intérieurs des personnages, avec les fluctuations de la pensée qui rebondit et s’adapte aux événements qui surviennent avec un crescendo inquiétant.

J’avais un autre projet que j’ai mené il y a deux ans, écrit de la même manière sans savoir avec précision où j’allais. Il a été écrit autour de contraintes qui, avec le temps, n’ont plus la même importance. Reste un texte assez long dont les personnages ont des points communs avec ceux de cette histoire en cours d’écriture. Ils partagent un va-et-vient entre deux lieux qui me sont chers. Paris et Marseille. J’ai écrit avec Anne Savelli un texte intitulé Laisse venir, qui reprend la forme du livre Les autonautes de la Cosmoroute de Julio Cortázar et Carol Dunlop. La question de la famille est également questionné dans ce texte, ainsi que la thématique du couple. J’ai décidé de les relier. Et de faire jouer les correspondances que j’avais vu éclore entre eux.

Le mensonge qui dit la vérité. La nouvelle de Sartre, Le Mur est le récit à la première personne d’un prisonnier républicain espagnol condamné à être fusillé par les armées franquistes. La nuit d’attente s’achève dans la dérision du sort (survie non désirée grâce à une trahison non voulue).

Alors qu’ils sont sur la plage à Marseille, le jeune garçon dont la fille tombe amoureux prétend qu’il a habité dans une maison abandonnée à Paris, il la décrit avec une telle précision que la jeune fille s’y trouve littéralement projetée. Et lorsqu’avec ses parents ils doivent fuir la ville de peur qu’on les retrouve, elle leur parle de cette maison vide à Paris dans laquelle ils vont pouvoir se réfugier.

« Les deux lieux se mélangent comme si on pouvait être dans deux lieux différents en même temps : La jeune fille s’approche du garçon. Il reste un instant silencieux. Ils se regardent les yeux dans les yeux avant de s’embrasser. Dans la chambre de la maison vide. Sur le quai, face à la mer. »

J’aimais bien creuser ces mêmes lieux et leurs personnages, mais à ce moment de l’atelier le besoin de les laisser respirer pour leur associer d’autres personnages, avec d’autres problèmes, pour voir comment les faire résonner à distance. Dans la complémentarité de leurs différences.

D’un côté on a un couple qui a participé dans sa jeunesse à un braquage qui a échoué, leurs complices ont été arrêtés et jetés en prison mais ils comptent bien récupérer l’argent volé et se venger des traitres qui les ont abandonné. Depuis cette époque là, le couple qui entre temps a eu un enfant, vit dans la peur d’être retrouvé par leurs anciens complices qui viennent de sortir de prison. Aucune violence dans leur quotidien, seulement ce poids du passé, de la faute, la fuite, les cachettes, la vie de clandestins.

De l’autre côté, une jeune femme dont la sœur a été enlevée à Marseille il y a plusieurs années et qui ne supporte plus la pression médiatique autour de cette affaire ni la manière dont sa famille se comporte, obnubilée par l’affaire, et qui décide de fuir elle aussi pour retrouver un ancien ami qui vit sur Paris et qui l’héberge chez lui. Il s’est séparé depuis peu de sa femme, partie vivre avec leur fille à Marseille (leur fils est resté sur Paris, mais il vit seul). La jeune femme s’enferme peu à peu chez son ami. Il se rend compte qu’elle n’a pas besoin de lui comme il pouvait l’espérer. Il ne lui en veut pas, il est juste un peu triste de se sentir impuissant également avec elle. Il la voit s’enfermer et écouter toutes les nuits à la radio un homme dont les propos complotistes la fascine de plus en plus et lui font perdre pied.

J’aime l’idée que ces deux récits qui se construisent à distance, sans lien apparent au départ, que ces deux lieux puissent se lire de manière fragmentée, disjointe, qu’ils avancent parallèlement et qu’on découvre petit à petit ce qui les unit profondément, les liens insoupçonnés entre eux.

La description sensuelle du café au bord de la mer, ce qui se passe silencieusement en eux si délicatement précis… ce qui se dessine de l’entourage, des contraintes, des mensonges et des sentiments vrais même si à peine naissants… besoin se crée de suivre.

La scène s’est installée peu à peu et c’est dans cette patience à laisser venir les éléments les uns après les autres, comme on regarde autour de soi, dans la rue, qu’on observe ce qui s’y passe qui d’habitude nous paraît sans intérêt et qui, dans l’accumulation lente, fait sens et sensations, qu’elle a surgit lentement. Et c’est tout l’attrait de cet atelier.

Une maison abandonnée. Il existe de nombreuses demeures de ce style à Paris.
Des gens qui vivent dans un appartement qui n’est pas le leur. Trouver ses marques, ses habitudes dans un logement dans lequel on n’est pas sûr de rester, sur le qui-vive au quotidien pour ne pas risquer d’être pris par leurs anciens complices en quête de vengeance. Dans lequel il faut vivre sans vivre. Sans être vu. En étant discret. Invisible. Vivre dans une maison abandonnée comme un fantôme.

Extrait de la nouvelle Le temps passe extrait du recueil Des fantômes sous les arbres de Virginia Woolf, traduit par Christine Jeanney.

« La maison était abandonnée. La maison était déserte. Elle était oubliée comme un coquillage sur une dune se remplit de grains secs et salés parce que la vie le quitte. La longue nuit semblait s’être installée ; avec leur grignotage, les petits souffles d’air et les bouffées moites et maladroites avaient gagné. La casserole était rouillée, le paillasson décomposé. Les crapauds, montrant leur museau, s’introduisaient à l’intérieur. Indolent et sans intention, le châle se balançait. Un chardon avait poussé entre les carreaux du cellier. Les hirondelles nichaient dans le salon ; le sol était couvert de paille éparpillée ; le plâtre tombait par pelletées ; on voyait les solives ; les rats portaient un peu de ci, un peu de ça, pour aller le ronger sous les lambris. Des papillons écaille-de-tortue jaillissaient de leurs chrysalides et venaient toute leur vie se cogner sur les vitres. Des pavots s’étaient semés dans les dahlias ; des vagues d’herbes hautes parcouraient le gazon ; des artichauts géants faisaient tour au milieu des roses ; un œillet dentelé fleurissait dans les choux ; et le gentil tapotement d’une herbe contre la fenêtre était devenu, pendant les nuits d’hiver, le grondement de ronces épineuses et d’arbustes solides qui rendaient la pièce entièrement verte l’été. »

Fuir une maison dans laquelle on ne peut plus vivre car le souvenir de sa femme y est trop présent et douloureux. Se réfugier dans un petit appartement qu’on louait mais dont le dernier locataire vient de déménager. Prendre sa place et tenter d’y retrouver ses repères. Quand une vieille amie frappe à sa porte, il accepte au risque de bouleverser sa solitude. Mais elle s’enferme. Elle vit chez lui mais c’est comme si elle vivait dans un appartement vide.

Intrigué par l’assemblage de désir de liberté individuelle et d’emprisonnement collectif.

La jeune fille dort sur le canapé. La femme s’approche d’elle avec un coussin. On a l’impression qu’elle va l’étouffer en plaçant le coussin sur son visage. Mais la jeune fille se réveille en sursaut. La femme lui tend l’oreiller en lui disant que cet oreiller sera plus confortable. La jeune fille le place sous sa tête et remercie la femme qui au moment de s’en aller, attrape l’oreiller pour étouffer la jeune fille avec.

Foyer. Maison en feu.

« Acheté une maison. Je n’ai plus peur de rien. »
Tarkovski, Journal 1970-1986, trad. Anne Kichilov, Paris, Cahiers du cinéma, 1993, p. 336

Dans le film Teorema de Pasolini, un invité, un mystérieux visiteur, vient séjourner dans la maison d’une famille bourgeoise. Tout change. L’invité est une sorte d’ange, une perturbation qui provoque des ruptures, séduisantes et inquiétantes.

« La vacance du temps est un piège redoutable. Rarement nous y confronte le courant des jours strictement quadrillés de leur emploi, souvent très fallacieuse contrainte mais efficace pour s’éviter de gamberger, de piquer une tête dans le vide sidéral de notre raison d’être, des motifs que nous avons de poursuivre nos dérisoires agitations, périls et peines encourus, et jeux perdus en toute vanité pascalienne. Quel malheur de ne savoir demeurer en repos dans une chambre, de n’y chercher que toutes les feintes possibles pour y échapper. »

La nuit Atlantique, Anne-Marie Garat

Filature et dérive poétique.

Adel et sa femme Madeleine sont séparés. Elle est partie vivre à Marseille. Leur fils Toni n’a pas voulu les suivre. Il est resté vivre à Paris. Il descend parfois rendre visite à sa mère à Marseille. Le reste du temps Toni vit avec un colocataire dans un appartement au pied de la Butte Bergeyre. Il y a quelques mois il a rencontré en vacances à Marseille une jeune fille énigmatique, Mila qui s’y trouvait avec ses parents. En échangeant avec elle, il lui a parlé d’une maison qu’il connaît bien, lui faisant croire qu’elle appartenait à son père. Cette maison est juste une maison située en haut de la butte au pied duquel il vit.

À la séparation de ses parents, Toni a choisi de rester vivre à Paris, mais sans accepter de vivre chez son père, car il ne le voit plus. Depuis le départ de sa femme Albertine et de ses enfants, l’appartement est vide. Son père y héberge une vieille amie qu’il connaît depuis le lycée, et qui a fui sa famille à Marseille, et la pression médiatique, depuis l’enlèvement et la disparition de sa sœur. Adel l’aide la jeune femme est bouleversée comme il peut. Mais chaque jour elle s’enferme un peu plus. Elle reste inerte, prostré sur son lit. Une seule présence l’accompagne : celle d’un présentateur de radio persuadé que « presque tous les attentats terroristes sont mis en scène par le gouvernement qui rêve de dépouiller le peuple américain de sa liberté ». Elle passe des heures à écouter en boucle une émission complotiste à la radio, sans sortir de sa chambre. Ils s’aperçoivent qu’ils n’arrivent pas à se parler.

Mila a du quitter Marseille précipitamment avec ses parents, sans pouvoir donner d’explications à Toni, ni d’adresse. En fait, elle a trouvé refuge avec ses parents, Thomas et Inessa, dans la maison abandonnée dont le jeune homme lui a fait croire qu’elle appartenait à son père mais qu’elle était vide depuis sa séparation avec sa mère.

Dans leur jeunesse, Thomas et Inessa ont participé à un braquage qui a mal tourné, une partie des autres membres du casse a été arrêté, les autres abattus, eux seuls ont réussi à échapper à la police, à se cacher avec le butin qu’ils ont dépensés en grande partie depuis cette époque. Leurs anciens complices, sortis de prison il y a quelques années, sont à leur recherche depuis. Ils les ont retrouvé à Marseille où ils s’étaient réfugiés avec leur fille de quinze ans. Ce qui les a obligé de fuir pour remonter à Paris.

Dans l’appartement vide d’Adel, tout lui rappelle le souvenir de sa femme. Un jour, à proximité de chez lui, il croise une femme qui lui rappelle leur première rencontre. Il s’agit d’Inessa, la mère de Mila qui squatte la maison abandonnée. Il la suit plusieurs fois dans la rue. Elle ressemble à Madeleine. Il finit par lui adresser la parole. Puis, dépité, il rentre chez lui. L’absence de sa femme est encore plus forte.

Le jour de l’enterrement d’Anna, Adel accompagne Célia à Marseille, pour l’enterrement de sa sœur. Adel imagine les retrouvailles avec sa femme. Il retrouve des souvenirs de sa jeunesse, car il a vécu dans cette ville jusqu’à la fin de ses études. Lors de son arrivée à la gare de Marseille, en attendant le cousin de Célia, Adel se prend en photo dans un photomaton, mais il doit partir avant de voir son image. Entre temps sa femme, qui ne sait pas qu’il est à Marseille, se prend en photo avec sa fille. C’est la photo d’Adel qui sort. Elle doit partir. Une femme ivre qui danse dans une gare, rappelle ses chutes à Adel. À Marseille, la veille de l’enterrement, il croise à nouveau une femme qu’il prend pour Albertine. Il la suit et finit par se retrouver dans un cinéma pour qu’elle ne le démasque pas.

Le couple est au bord de la rupture, incapable de changer leur mode de vie, de se remettre en question, toujours sur le qui-vive, à vivre cachés, ils cherchent désespérément à fuir. Ils se sont réfugiés dans une maison abandonnée trouvée par l’intermédiaire de leurs fille qui a rencontré un jeune homme avant qu’ils quittent Marseille, ce dernier prétendait que cette maison appartenait à son père. Mais il n’en est rien. La jeune fille l’a rencontré par hasard aux abords de la maison abandonnée. Elle le revoit plusieurs fois, désobéissant à ses parents qui l’empêche de s’éloigner trop souvent de la maison, au risque de se faire prendre par la police. Après une nuit compliquée, ayant de plus en plus de mal à se comprendre et à vivre ensemble, à supporter cette situation inconfortable qui a trop durée, chacun cherche de son côté une solution pour s’en sortir, renouant d’anciens contacts, espérant trouver une solution pour fuir définitivement le pays avec leur fille.

La description très précise de la maison abandonnée sur la butte. Se sentir chez soi dans un lieu qui ne nous appartient pas.

Parce qu’il est devenu impossible de vivre dans la maison principale dont tout nous relie avec la femme qu’on y a aimé, la famille qu’on y a construit. Se réfugier dans sa maison secondaire, inhabitée depuis que son dernier locataire en est parti. Un appartement plutôt. L’exiguïté de cet appartement que l’on partage désormais avec une amie.

« Vous voyez que le vide est le soi-disant familier, or votre maison est infiniment familière, infiniment répétitive. Couloirs, corridors, pièces, sans cesse et encore. Un peu comme la maison de Dante après un bon nettoyage de printemps. C’est un lieu sans objet et sans vie. Cicéron a dit : « une pièce sans livres est comme un corps sans âme. » Ajoutez donc l’âme à la liste. Un lieu sans vie, sans objet, sans âme. Sans dieu, également. L’abîme pré-divin de Milton ou dans l’univers nietzschéen post-divin. »

La maison des feuilles, de Mark Z. Danielewski (traduction Claro)

« Il reste un long moment à fixer le paysage qui s’étend à perte de vue. Au milieu des toits et des cheminées de l’horizon parisien, il imagine que sa femme est là, quelque part au milieu du dédale de ces rues. Elle observe à distance les moindres détails de sa perplexité. L’idée de ce qu’il fait ne le traverse pas. Il croit que c’est la première fois qu’elle est là sans idée d’y être, que si on la questionnait elle dirait qu’elle s’y repose. De la fatigue d’être arrivée là. De celle qui va suivre. »

L’état des choses, Wim Wenders

A propos de Philippe Diaz

Philippe Diaz aka Pierre Ménard : Écrivain (Le Quartanier, Publie.net, Actes Sud Junior, La Marelle, Contre Mur...), bibliothécaire à Paris, médiation numérique et atelier d'écriture Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d'écriture, édité par Publie.net http://bit.ly/écrireauquotidien Son dernier livre : L'esprit d'escalier, publié par La Marelle éditions Son site : Liminaire