« et que vivants sommes, nous, les fantômes des morts », Milène Tournier
J’avais écouté François, j’avais pris la précaution de retirer de mes poches les petits cailloux, quand la première consigne est tombée j’arrivais à Erbalunga, comme je n’invente pas grand-chose, « Elle » est arrivée comme moi à Erbalunga. Je pensais que le lieu ferait surgir une fiction, que le paysage prendrait tout l’espace, mais — même en se laissant porter — comment échapper aux fantômes ?
Je pose là quelques cailloux, le reste c’est dans mes poches, encore en vrac.
Elle revient en Corse pour exaucer vingt ans après son décès les dernières volontés de sa mère (ce qui n’avait pas été possible au moment de sa disparition, il n’y avait à l’époque pas de crématorium sur l’île).
Elle s’installe dans la maison d’une amie située dans le cap corse, face à la mer. Elle est déjà venue dans cette maison, là où elle s’est réconciliée avec l’île, ses morts.
Elle profite de ce séjour pour photographier la maison fragilisée, menacée d’effondrement, elle veut en conserver une mémoire. Elle retourne à Bastia où elle a vécu, elle y cherche également la présence de ses aïeules, traquer les fantômes, saisir ce qui peut l’être encore.
Des souvenirs affleurent, les figures du passé ressurgissent, des voix s’élèvent qui livrent leur lien à l’île. Quatre figures, quatre générations, peut être quatre voix (Celles qui), des temporalités différentes
des mouvements : des arrivées, des départs, un exil, un retour aux sources
des lieux : la vieille ville à Bastia, un village de Castagniccia, deux cimetières, la maison d’Erbalunga
mais aussi des fantômes, des îles, des photographies, des feux, des vagues
J’ai l’impression d’être à bord d’un train de luxe, resquilleuse sans billet, j’aime avancer avec le groupe. J’écris depuis peu, dans des espaces/temps le plus souvent restreints, souvent au lever avant que la maison ne se mette en mouvement, sur l’application notes de l’iPhone, parfois je griffonne sur des bouts de papiers (quand je croyais être incapable d’écrire à la main). Encore du mal à ouvrir ces espaces nécessaires, encore du mal à dire j’écris, même si cette année nous sommes avec P et A dans le même mouvement. Une sacrée trouille, mais très envie de faire ce livre.
curiosité simplement d »abord de voir comment tu t »en étais tirée
savourer ensuite indépendamment de cette interrogation, les petits cailloux et la façon de les écrire sur des bouts de papier.. (y crois à demi)
remiser mon envie de m’y risquer pour un autre jour (me carre pourtant, assume ma présence dans le train de luxe)
merci merci Brigitte, ça me plaît bien de partager avec toi le compartiment 😉
bon courage pour tout
» photographier la maison fragilisée », je découvre votre écriture, comment vous portez sur le réel votre regard, et puis la poésie de votre voix
oh Ana, ça me touche énormément, me sens plutôt fragile sur cette question de l’écriture (un peu comme la maison)