08/08/2021
- Il s’agit vraiment d’écrire malgré le silence. Celui que la langue m’impose dans ses nécessaires blancs linguistiques ( la ronde, les deux blanches ; Miles Davis disait « enlever des notes »), celui qui m’est imposé par l’histoire familiale et nationale. Le silence en particulier, que j’ai méchamment laissé s’installer, ce jour où mon père, déjà malade et se sachant condamné, a hasardé quelques mots. Sans doute voulait-il me dire quelque chose, sans doute a-t-il pris sur lui pour que les sons franchissent ses lèvres. Et moi, jugeant là que c’était bien tard, qu’il était inutile de parler, que l’on avait eu 50 ans pour parler, moi, oubliant que la proximité de la mort revêtait un caractère grave, sinon d’urgence, moi j’ai détourné la tête, le giflant d’une injuste manifestation d’orgueil. Il n’est pas question de réparer ce qui est irréparable, ce qui fait se mouvoir en moi un clapotis nauséeux au fond du ventre. Non, il est trop tard bien sûr. Les mots que je lui ai refusés sont restés en lui, douloureux de rétention et de déception peut-être. On ne récrit pas l’histoire. Je peux continuer à l’inventer. Triomphe du temps de Goux, que je vais feuilleter. Belles pages de De la Genardière. Mais aujourd’hui calme d’un froid glacial, d’une colère blanche contre moi-même qui joue aux mots. Sans pouvoir faire autrement. Triomphe du temps ? Défaite plutôt. M’en vais relire Face aux verrous de toute urgence.
« On avait eu 50 ans pour parler ». Cette phrase-là, très juste, au cœur des écritures futures.
oui, merci Xavier, phrase térébrante en moi.