La jeune fille est seule. C’est dire qu’elle est là où les jours qui précèdent se sont rangés collés ensemble retenus par un de ces serre-livres qu’on ne voit plus que dans les brocantes. Eléphants en bronze ou régule , bouquetins arc-boutés dressés dos à dos , corps animaux réduits et magnifiques. De ce qui l’a conduite ici un puzzle s’est recomposé . Chaque pièce a été choisie sans qu’elle en décide vraiment. Ainsi elle a gardé les recherches sur les écrans, ces heures à se documenter sur cette révolte des cadets qui a changé le paysage , lancé de petites maisons sur les pentes entre les fougères. Elle sait encore qu’elle a aimé penser à son arrière – grand-père comme un de ces conquérants par nécessité un de ces jeunes hommes excédentaires partis loin de la terre vers la ville. Des rêves qui l’ont traversée dans la chambre presque vide rangée comme jamais pour faire place à l’étudiant qui lui succèderait il ne lui reste pas grand chose. Un goût de poussière, une soif qu’elle attribue à la chaleur. L’image encore de la maison telle qu’on l’évoquait parfois à table, tout en débarrassant , bribes confondues avec le traitement des restes. Maison de famille de l’arrière grand-père maternel, ferme revenue à l’aîné, puis à sa fille qui s’y était comme enfermée , jamais mariée, gardienne. C’est de cette grand-tante qu’elle a rêvé. Elle ne le sait plus.La dame lui est pourtant apparue habillée comme au dix-neuvième siècle devenue sœur des Eugénie , des Rose dont les vies froissées peuplent les romans. La maison paraît-il était resplendissante, bois astiqués, volées d’escaliers lumineuses , rampes lissées par les chiffons ou les suaires venus glisser par jeu la nuit venue. N’en parlons plus . Ces mots prononcés en pliant la nappe les tout derniers verres essuyés avaient installé la maison dans une sorte de nuit permanente où elle brillait, fenêtre écarquillées , sans paupières, phare mauvais.
Longues heures passées à se documenter sur cette révolte des cadets… Je suis en plein questionnement sur la place de la documentation dans l’écriture et ça me touche.
Merci, Roselyne. Ton texte me fait voir autrement la consigne. Je le relis encore pour m’imprégner, un peu ( cette expression géniale «ces jeunes hommes excédentaires partis loin de la terre…» le mot excédentaire, tout ce qu’il suggère.)
Merci à toi . Tellement encourageant de voir que nos mots portent.