Elle s’approche une nouvelle fois de la fenêtre attirée par les lueurs de la nuit. Elle enlève ses lunettes et se frotte les paupières. Elle est fatiguée. Elle les pose sur la table et revient vers la fenêtre. Elle écarquille les yeux, éblouie par la beauté du spectacle qui s’offre à elle. Les contours du sommet des immeubles qui se découpent sur le ciel sont totalement flous, seules les différences d’éclairage lui permettent de les discerner, de voir la masse sombre de ceux-ci se profiler dans l’étendue plus claire du ciel, les couleurs se confondent, semblent avoir fusé l’une dans l’autre, pareilles à des lavis d’aquarelle qu’on aurait appliqués côte à côte et, plus bas, à intervalles réguliers, par la technique du mouillé dans mouillé, on aurait ajouté des bandes plus foncées pour suggérer les fenêtres illuminées. Mais ceci n’est rien en comparaison des points lumineux des réverbères, des feux de signalisation pour les trains à l’entrée du tunnel ou des sources d’éclairage plus précises dans les immeubles, qu’elle perçoit comme des grappes de cercles lumineux multicolores dont elle ne saurait évaluer le diamètre. Il y a des cercles blancs, blanc crème, blanc cassé, jaunes, orange, bleu ciel, mauve, rouge, bleus, indigo, ils se chevauchent, se superposent et dans cette superposition créent de nouveaux coloris. Elle se dit qu’à la campagne elle ne pourrait rien voir de tel, les maisons éclairées étant bien plus éparses et les étoiles tellement éloignées que leur luminosité se serait fondue dans l’obscurité de la voûte céleste.