Guillemin, Allouat, Fossard, Tian, Mertens, Teruel, Arnould, El-Khallaf.
Les petits carreaux gris en façade des étages pairs, les petits carreaux noirs en façade des étages impairs. Le blanc des volets en métal. Les grands carreaux en grès flammé au rez-de-chaussée. Les stores en toile de jute. Les paraboles tournées vers le sud.
Malinkovsky, Bâ, Brankovic, Leduc, Di Maggio, Zang, Zygmuni.
Les noms sur les interphones. Les ailleurs qu’ils convoquent, transportés par la guerre, la misère, la nécessité, l’amour peut-être, et rassemblés ici, dix, quinze, vingt, trente ans pour certains.
Lopez, Pesquet, Sorrentino, Abad, Bonnet, Taïb, Fillette, Gimenez.
Il repense à tout ça accoudé à la barrière de protection qui interdit l’accès au périmètre. Tout est dans ce carnet – qui d’autre que lui aurait pris le temps de défier l’oubli ?
Azoulay, Bellamy, Tran, Bensallah, Rohaud, Destin, Gomes.
Dans quelques jours ou quelques semaines tout sera revu : les plans de la ville sur les atlas, les plans du quartier derrière les affiches Decaux, les Pages Blanches, les Pages Jaunes, la desserte des autobus.
Moulin, Accard, Zenine, Sereno, Delubac, Krstic, Benyamine, Traoré.
Un jour tu vis à Asnières…
Volmard, Morel, Peureux, Jaouen, Abdi, Ferreira, Bernstein, Devaux.
…un jour tu n’es plus là.
L’herbe jaune du stade, la façade murée du marchand de journaux, celle de l’auto-école. La rampe d’accès au local à poubelles, les caves qui font peur, la loge vide. Les panneaux de rue bientôt extraits du trottoir.
Royer, Demeuse, Méral, Hennegrave, Almela, Doloum, et le tien.
S’éparpillent comme s’envole dans l’air de juillet le béton pulvérisé.
Et là, témoin muet attendant son heure, le Combi VW. Ses doigts en portent encore la brûlure. Son nez se souvient de l’odeur qui s’en dégage – cette odeur qu’aucun mot dans aucun carnet n’est arrivé à saisir.
j’aime bien cette entrée par les noms ….
La litanie des noms comme autant de mondes endormis qui ne demandent qu’à s’éveiller, et ces lieux évoqués qui eux aussi laissent espérer des histoires (ai été sensible surtout à la cave qui fait peur, parce que moi aussi je raconte des histoire de caves qui font peur).
Étonnamment visuel, on perçoit comme un mouvement de caméra. D’où viennent ces noms ? inventés de toute pièce ou issus d’une documentation ou autre ? Idem sur la description des lieux, comment procédez-vous, est-ce que ce sont des archétypes de lieux ou vous avez précisément des lieux en tête ?
J’essaie de construire quelque chose d’après un lieu qui a existé. Le bâtiment a été démoli en 2011. J’ai pas mal de photos mais l’écriture se base plutôt sur la trace, dix ans après, sur le souvenir que j’en conserve. Les noms sont, pour partie, ceux inscrits sur les interphones. J’avance vraiment à pas comptés dans cette histoire. Écrire sur ce lieu disparu est un projet ancien que je n’ai jamais trop sur par quel bout prendre et qui tente de se concrétiser via l’atelier. Merci pour votre lecture !
« défier l’oubli ». Ça m’a gênée. Pour moi, ça ne cadre pas avec le cadre si bien trouvé du reste. Alors ça m’intéresse. Le côté livre d’aventure, de chevalerie de la formule… Motif tronqué ou chemin à poursuivre ?