Il a envie de dormir. Il va vers la chambre, pose le sac à dos sur le grand lit et s’endort à côté de lui. La nuit tombe dehors et pénètre la chambre. Dans la nuit il a cette érection très dure, qui le réveille comme à presque chaque nuit. Elle pointe l’état flottant, le rêve encore présent et le retour au rêve, mais déjà un peu trop conscient pour qu’il se rendorme vraiment, alors ça tourne, et il aime ce moment. Un chat dort sur le sac à dos. Il passe la main sous son sac à dos et le chat s’en va laissant la place au rêve. Le jeune homme est enfant sur le trottoir d’en face. Tout un groupe de laquais habillés comme au XVIII ou bien même en arlequins, en polichinelles s’agitent en tous sens et font les entrées des invités au bal d’une maison d’édition. Ils s’interrogent sur cet enfant sur le trottoir d’en face. Il se dit que c’est le fils du patron. Non mais c’est incroyable cette histoire. Que fais-tu là ? Allez petit, rentre chez toi. L’enfant leur dit qu’il faut le dire à son père, qu’il est bien son fils. Mais alors ce n’est pas possible de ne pas lui dire, disent les laquais, à ça on va le lui dire, disent les arlequins, et le dire à son comptable aussi, disent les polichinelles. On va le lui dire. On le dit d’abord au père du patron, qui s’enquiert de l’affaire et il le dit lui-même à son fils, qu’un enfant à la porte dans la rue sur le trottoir d’en face dit qu’il est ton fils, et donc son petit-fils à lui. Le patron est assez bonhomme, il en sourit et dit que ce n’est pas un problème. Il sort donc dans la rue voir ce fils. Le patron est là dans la rue devant l’enfant. L’enfant lui présente un autre adulte qui est avec lui sur le trottoir. C’est le frère oublié du patron, un grand benêt, âgé, la soixantaine, de la même taille que le patron lui-même et gentil tout simplet et ce grand benêt fait un gros bisou sur la joue du patron de la maison d’édition qui laisse faire avec bienveillance et bien sourit encore. Ce sont des histoires de famille cela, les personnes handicapées sont maintenant acceptées et bien traitées. Regardez-les, elles sont toutes regroupées dans ce pavillon XVIII au fond de la vallée. C’est un petit Versailles de chasse et des arts. Regardez tous les polyptyques qu’ils ont laissés dans les salons. Là, les quatre fils des Actes et celui qui s’est envolé pour toujours, pour sa mère et pour toujours. C’est beau. Le chat revient. Le rêve s’arrête là. Le jeune homme se lève et va vers la cuisine. Le chat le suit et avec lui l’image du fils envolé pour toujours mais toujours avec sa mère. Il met de l’eau dans une bouilloire électrique neuve qui fait une jolie lumière bleue dans la nuit. Sa pensée flotte encore. Il pense au David, pas le David de Michel -Ange, à David, le fils de Romy Schneider, à Saint-Germain en Laye, et du coup il pense à Marie la petite fille de Cavanna, qui meurt aussi à Saint-Germain en Laye. Il pense que dans une autre histoire, il serait David qui rencontrerait Marie et Cavanna les emmènerait à Berlin, à Treptow et referait avec eux le trajet des Russkoffs à la recherche de Maria. Et David enverrait une carte postale à Romy Schneideret ce ne serait pas trop tard. La bouilloire claque. La pensée du jeune homme s’arrête. Il se fait un café lyophilisé Il a pour instruction d’attendre dans cet appartement. Il va vider son sac sur le lit. Il est parti avec trop de livres.