Le premier jour d’avant elle put enfin aller visiter un musée, voir l’exposition pour laquelle elle avait pris rendez-vous. Avec son smartphone elle avait photographié plusieurs tableaux de peintres animaliers du XVII et XVIII ème siècle.
Le deuxième jour d’avant elle prit le temps de sélectionner dans les photographies prises la veille au musée celle d’un tableau de Nicasius Bernaerts : une tortue sur bord de mer.
Le troisième jour d’avant elle avait un emploi du temps chargé, une foule de détails à régler, des précautions à prendre, des tests à faire, obligatoires pour voyager.
Le quatrième jour d’avant elle avait affirmé qu’elle était une ourse blanche. Elle lui avait écrit qu’elle allait le rejoindre sur la banquise. Elle n’ignorait pas qu’il l’attendait avec des comportements souvent superstitieux, une tendresse inquiète.
Le cinquième jour d’avant elle n’ avait pas craint d’embarquer à bord d’une tortue ailée. L’homme qui l’attendait dans la foule de l’aéroport brandissait un galet au dessus de sa tête, un code entre elle et lui, la mémoire aussi de la première fois où ils s’étaient baignés ensemble.
Le sixième jour d’avant elle n’avait pas craint la mer qui était un peu agitée. Elle avait même , sans hésitation, mouillé ses cheveux.
Le septième jour, ils rencontrèrent le bois. Sur une plage de sable. Ils n’avaient pas pu affronter les rouleaux à cause des méduses. Le ciel était lourd, l’air humide, le vent absent. Ils étaient restés un long moment sur la laisse de la mer, sans prendre de risque, sans s’aventurer. C’est quand ils s’en allèrent entre les dunes qu’ils le découvrirent : un long tronc roulé par la mer, blanchi par le sel, rongé par le temps. Il avait par endroits quelque chose d’un tête d’oiseau et à une extrémité une gueule de dragon. Ils l’emportèrent. Ce grand et long bois rentrait à peine dans leur voiture. Le soir, ils dînèrent avec lui. C’est elle qui décida à quelle place désormais leur totem régnerait. Lui, d’avance, savait déjà, que ce long morceau de bois flotté serait son lien fétiche, son attache intime, son objet magicien quand, demain, elle sera absente, quand, les jours qui viennent, ils seront séparés, quand, plus tard, ils ne seraient plus ensemble sur le bord de mer de la même île.
Pour éventuellement ne pas se perdre, voir « Heureux comme un galet en pleine tendresse » et suivre la tortue : https://www.tierslivre.net/ateliers/tag/tortue/
Très belle histoire. Nouvelle génése. Viens d’aller lire Heureux comme… et… Tortue. Nouvelle lecture qui éclaire les 3 textes d’un nouvel élan. Génése autre.
Merci Louise George de votre bienveillant retour.
j’aime l’idée des jours d’avant. Et de ce bois de mer trouvé qui porte une histoire.