il nage dans la nuit le plus grand des océans
Il neige dans la nuit. Des yeux perdus et autour le chantier. Il n’entend rien, il voit quelqu’un marcher droit vers Lui. Ses yeux lui disent tu tombes bien. Le bleu surgit dans la chute de son corps. Il nage dans la nuit, le plus grand des océans. Il s’élance dans les vagues, se fait porter par les plus grandes, disparaît apparaît réapparaît, les vagues se font moins nombreuses, ici le bleu claque, le bleu enfle, devient presque noir, le rythme de ses bras et ses jambes ralentit. Chaque mouvement éprouve sa fatigue. Sa respiration s’éclipse. Il nage sur le dos les bras en croix, le noir de l’océan se confond avec le noir du ciel. Il cherche un nom de pays à donner au ciel. Il voudrait rire de ne plus savoir où il est. Il est ici, dans le plus grand des océans. Ici l’eau porte des histoires. Une voix lui raconte une histoire simple, une histoire sans fin. Deux enfants marchent à l’orée d’une forêt, ils tirent une luge. Les arbres ploient sous la neige. Ils se sont enfuis de leur maison. Toutes les histoires se ressemblent, les deux enfants épuisés vont s’endormir au pied d’un arbre. Il cherche une sortie, il voudrait rire de chercher une sortie dans le plus grand des océans. L’océan se réveille se déchaîne démontre sa force, roule de sa mécanique d’océan, son corps s’élève d’une vague à l’autre vague. Ici l’eau porte des histoires. Une voix lui raconte une histoire simple une histoire sans fin. Un enfant marche à l’orée d’une forêt, il tire une luge. Il s’est enfui de sa maison. Une vague explose retourne engloutit rejette son corps le refile à une autre vague. Il voudrait se lever, marcher sur l’eau, il voudrait rire de son idée de marcher sur l’eau, mais le plus grand des océans l’avale Lui minuscule corps, point dans une phrase sans fin. Il retrouve les gestes, étire ses mouvements de bras, agrandit ses mouvements de bras, ici l’eau devient une surface amie. Il voit la séparation du ciel et de l’océan, le premier jour. Les arbres ploient sous la neige. L’enfant épuisé s’endort au pied d’un arbre. Une voix lui raconte une histoire de furie et de tristesse. Dans un royaume sans histoire avec des hommes riches et heureux vivait une famille pauvre, il n’avait qu’un enfant, un enfant sans prénom, on l’appelait Lui. L’enfant avait un visage de personne sérieuse avec de grands yeux noirs. Il neige dans la nuit. Il voit quelqu’un marcher vers lui, il voudrait lui dire tu tombes bien. Il s’éloigne de la rive, il marche vers l’océan, le plus grand des océans, il plonge dans le plus grand des océans. Un enfant sans prénom, on l’appelait Lui, il se concentre sur la voix qui raconte l’histoire, une histoire sans lutins ni fées, une histoire d’enfant et de forêt. Il replonge dans la voix, la voix se fait menaçante, la voix raconte le corps endormi au pied de l’arbre, l’animal endormi près de l’enfant. Il fixe la voix, il veut garder la voix dans sa mémoire, la voix lui parle, la voix lui dit que quelqu’un est là, près de lui. Il ne distingue rien, des yeux d’animal, des yeux de femme, des yeux d’homme. Il voit des points blancs au – dessus de lui partout, ses yeux perdus dans la neige. La nuit apprend la peur. Une histoire annule une autre histoire, l’animal avait faim, l’animal a mangé l’enfant, il ne reste de lui que sa luge, et des traces de rouge sur la neige.
Apprendre à marcher avec Anna Blume
Il a quelque chose en lui de la furie et de la tristesse. Il doit bouger se lever marcher partir d’Ici. Sa ville n’a pas de nom, il habite Ici, Ici c’est assez pour dire où il habite. Une ville qui s’étend au bord d’un fleuve, s’étire vers une forêt, et quelque part avant la fin de la ville, un ensemble de maisons pauvres prêtes à la destruction. C’est ici qu’il apprit à marcher. Doucement avec les mains douces de sa mère et celles rugueuses de son père. Il ouvre les yeux, le ciel est le même partout, ici on peut voir des nuées d’oiseaux, des arcs-en-ciel en été, des pluies diluviennes, la neige. Plus tard c’est ici qu’il apprit à marcher avec d’autres, avec la lumière de l’été, quitter Ici, pousser des cris de guerriers, quitter Ici pour aller ailleurs, passer devant des tours rondes en forme d’étoiles, plus tard des immeubles longs serpents, plus tard un chantier. Avoir un endroit à soi, une illusion éblouissante de faire partie d’un lieu, de donner vie, à chaque retour de le remplir de voix de mouvements de danse de silence, de quelque chose lui appartenant à Lui et aux Autres. C’est ici qu’il apprit à marcher avec Etel la fleur, Etel la bien aimée, à toi toi toi, je te tu me nous ? Qui es-tu Etel, petite sœur d’Anna Blume, Etel est un animal, Etel est un ange, Etel coupe le soleil dans sa tête, roule en boule sa voix, marche sur la tête, grimpe sur l’échelle des couleurs. Autour d’Etel les bras de Lui, autour d’Etel sa tête posée sur l’épaule, autour d’Etel la musique, autour d’Etel les Autres dansent, autour d’Etel le chantier.
Un lieu pour s’éloigner d’Ici et y revenir facilement. Un lieu où il n’est pas souvent, un lieu éphémère. Le lieu change,se transforme, lui devient alors étranger. Il est habitant nocturne du lieu. Habiter n’est pas le mot juste, il n’habite pas le lieu, il fait sien le lieu, le temps de sa présence au lieu.Un lieu sans murs muets sans portes parlantes.Le jour il habite Ici, c’est bien suffisant. Il ne sait pas encore qu’Ici deviendra un lieu. Il ne sait pas que sa maisons et celle des Autres finiront en boucan et poussière.De la destruction surgira un panneau publicitaire : Là se construit un nouvel art de vivre. Le lieu peut se trouver au centre de la ville, une place, deux trois bancs suffisent, manque la magie. Un parc peut devenir un lieu,mais uniquement dans le début du soir. Il y a des heures pour le lieu. Le lieu est un espace nocturne. Il préfère les lieux moins exposés, moins partageables aussi, le lieu ne reste pas longtemps secret, d’Autres que lui cherchent un lieu à vivre temporairement, sous le ciel les étoiles, les choses du cœur.Il part il sait il ne sait pas où; il part il est heureux de partir.
Merci pour votre texte, il est très beau.
J’essaie de comprendre le travail du L5 et vous remercie pour vos écrits.
merci pour votre lecture sensible Clarence
ta plongée dans le noir, dans ce lieu minimaliste mais ô combien dense : tout cela me donne envie de rebondir, de repartir dans mon lieu noir à moi avec quelques-unes de tes phrases : bref : merci merci merci : ta L5 me nourrit, Ana ! merci pour ça ! je t’embrasse !
Ah ! surprise par ta réponse Vincent, je suis curieuse de lire comment ça te nourrit, de mon côté je sais que je ne vais pas rester dans le noir (même si ), je veux de l’éblouissement du beau de la joie pour Lui, Etel et les autres, je veux de la rage et d’autres choses;je ne vais pas à l’affrontement ni à la guerilla, je vais vers un ailleurs possible, et l’écriture m’en donne l’occasion.
haha ! hâte de lire tes élouissements, là, maintenant ! et ta rage aussi ! et ton ailleurs possible ! et ton beau ! tu sais à quoi je pense en lisant tes mots juste ci-dessus ? à Pierre Soulages et ses ultra-noirs ! tu en as déjà vus de près, en vrai ? c’est impressionnant : tu crois que tu as du noir devant toi mais quand tu bouges et te déplaces dans l’expo, t’approches ou t’éloignes des toiles, le noir vibre et tu vois qu’il y a de l’ultra-noir dans le noir : du bleu, du vert, du rouge dans le noir et c’est magnifique, beau… ton envie d’éblouissement me fait penser à ces ultra-noirs… (du coup : je pense à un outil d’écriture, invente ici un outil d’écriture : ça serait quoi l’équivalent de l’ultra-noir dans l’écriture ???, ça serait quoi faire vibrer le noir dans l’écriture ???, ça serait quoi faire battre le coeur du noir dans l’écriture ???) (haha : égoïstement, on dirait que, grâce à ta réponse, j’ai une nouvelle petite note à ajouter à ma L7 ! haha !) (bien à toi !)
De mon côté je n’ai pas envie de faire route vers le noir ou » l’ultra – noir », peut-être qu’avant oui j’aurais eu de l’intérêt à chercher dans cette direction, mais aujourd’hui, non; l’éblouissement je ne veux pas le faire naître du noir – (J’ai vu des Soulages il y a longtemps). Il y a du rêve du cauchemar dans le texte : Il nage dans la nuit le plus grand des océans, il y aussi une ébauche de personnages : Lui Etel et les Autres. L’éblouissement viendra de la force de rêver les yeux ouverts quelque part, et la beauté se prendra là où elle n’est pas attendue.C’est intéressant cet échange avec toi Vincent, ça me permet de clarifier là où je ne veux pas aller; à plus tard ( bien à toi)