E=MC2 mais toutes les chansons égalent la même histoire. C’est l’histoire d’un garçon et d’une fille, sauf qu’elle est pleine d’espoir. Elle va tout soigner, tout remettre vivant. Dans sa chambre elle met de grands posters de mer et de couchers de soleil sur la plage égale la même couleur aux gens. De sa fenêtre elle voit les immeubles de la reconstruction. Ce n’est pas une reconstruction à l’identique comme une réparation, c’est plutôt une reconstruction à la vite, lancée par des architectes qui n’y vivront jamais, du béton coulé sans pensée pour envelopper des kilomètres de chauffage égal la même température pour tous, tous dans le même sac.
Un sac de billes que j’emporte en classe. Des billes de terre que je crois plus belles. Je croyais au miracle qui me ferait jouer avec d’autres dans la cour durant toutes les récréations, aux billes, aux osselets, et même au foot, qui sait ? Mais je n’ai pas d’amis, j’ai des osselets dans le poignet et mes billes dans le sac que m’a cousu ma mère avec les lettres B-I-L-L-E-S brodées à la machine. Alors je fais l’avion avec l’autre débile de la classe et on tourne tous les deux, les bras écartés, autour du petit mur qui sépare la cour des grands de la cour des petits. On finira par me prendre dans les buts.
La Bible de Jérusalem est la bible des guides touristiques pour visiter Jérusalem et comprendre son malheur. Je connaissais les lieux de tous les miracles autour et dans Jérusalem. Ceux des prophètes et ceux de Jésus, le fils du père. Je voulais être Juif, maronite et soufi, me perdre dans ses rues, courir dans ses mouvements de foules, et porter mon sac comme une croix. Je voulais qu’à ce prix mon Dieu rachète mes dettes, et d’abord celles de mon père. Mais il me disait mon fils, que c’est inutile mon fils, avec l’inflation de mes dettes je m’enrichis et si le Seigneur le veut tu ne paieras pas pour moi. À la fin du voyage à tourner dans Jérusalem d’est en ouest mon sac s’était vidé. J’en étais soulagé. Mais quand il fallut remonter dans le bus avant de repartir l’animateur, s’appelait Jacques a voulu répartir les objets perdus durant le séjour. Et Jacque a dit à qui cette gourde ? C’était la mienne. Et Jacques a dit à qui cette trousse ? C’était la mienne. Et Jacques à qui ce bob ? C’était le mien. Et Jacques a dit à qui ce short ? Ce short était à moi. Et Jacques a dit à qui ce slip ? Je n’étais pas sûr mais j’ai quand même dit moi. Et Jaques a dit Citadelles ? De qui c’est ça ? De Saint Exupéry. Jaques à dit à qui c’est Citadelles de Saint Exupéry ?
Le Pavillon des cancéreux chez le médecin généraliste je l’avais avec moi pour le rendez-vous que m’avait pris ma mère car j’étais déprimé et bien sûr elle était venue avec moi. Tiens-tu lis ça toi ? Et qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? J’ai dit je ne sais pas, journaliste. Il m’a dit que les cancéreux ne faisaient pas les meilleurs cancérologues. Il m’a dit reste où tu es. Ouvre la bouche. Tes amygdales c’est pas des billes, elles sont aussi grosses que des couilles. Il m’a dit tu sais je touche à tout, la médecine, les Américains, le hand-baballe et les basket-balls, et si les ricains n’étaient pas là… Hein ? Soljenitsyne… Toi reste où tu es, épouse une femme comme ta mère, c’est très beau ça. Alors mon Pavillon des cancéreux et Alexandre Soljenitsyne je les ai baissés dans mon sac et j’ai pleuré devant le médecin et ma mère qui ont trouvé que c’était bien que je m’exprime. Après on est rentré à la maison.
C’est la première reconnaissance de Florent M. C’est au moins une première mission de reconnaissance à la foire du livre de Francfort, Frankfurt am Main. J’ai mon sac à dos Millet, Florent un sac en bandoulière Adidas ou Le coq sportif. Il pleut. On logera chez MOP et DG. Dans la Buchmesse, le salon professionnel du livre de Francfort, on cherche une bombe éditoriale. On écume les sites des éditeurs américains. On cherche un manuel technique pour fabriquer des bombes. Je ne me souviens pas si on cherche une V1 ou V2. Florent fait un essai de ventes de droits. Un éditeur alternatif US vendrait un manuel technique pour fabriquer des bombes. Au final on ne l’achète pas. Je crois que V à déjà démissionné du Virgin. On cherchait donc une V2. De V2 je me souviens d’une visite sur le site de Wizernes bien avant sa transformation en musée. La coupole d’Héfault, futur centre de lancement des V2, empêché par les bombardements anglais, fut construite par PHILIPP HOLZMANN AG, Frankfurt am Main. Sur le site, dans la forêt, au pied d’un mur d’un mur de blockhaus, un sac de ciment pétrifié, s’y dessine la forme du dos de celui qui le portait, comme on porte un sac de ciment, sur son dos, le sac posé sur ses épaules et son dos courbé, c’est comme cela qu’on porte un sac de ciment, pétrifié.
Aux fils et aux filles qui veulent la route en auto-stop il faut un sac à dos avec dedans des fringues un peu classes, enfin pas miteuses, au moins une belle chemise par exemple, un marqueur ou un feutre foncé, quelques feuilles blanches et une pochette plastique, une carte routière couvrant la zone de son itinéraire pour ne pas se tromper de cap en GPS, néanmoins deux multiprises, une électrique et une USB, un peu science de l’emplacement et donc des bonnes chaussures quand même pour stopper à la sortie de la ville et pas à l’entrée, et aussi un poncho pour aller jusqu’à une station-service s’il pleut, et là particulièrement un sourire, et ensuite dans tous les cas de la conversation car on est pas en blablacar.
Il n’y a souvent personne sur la photo pour le judaïsme qui manque. Elle est en couleur et pourtant on la voit en noir et blanc. On s’approche d’une porte à Budapest et l’on voit par un trou grand comme une carte à jouer un morceau de mur du ghetto. On le voit de pierre en noir et blanc. Il y a pourtant un arbre de brun, de vert. On s’approche d’une grille à Dresde et l’on voit un ancien cimetière juif. Les stèles de grès burinées debout sont noires et blanches. On les voit de grès en noir et blanc. Il y a pourtant des arbres de bruns, de verts. En quittant Francfort par le Sud juste avant le village de Zwingenberg, en sortant à droite de la zone commerciale aux enseignes colorées du Aldi, du Lidl, du Edeka, du Dm et d’Alnatura, il y a un panneau Jüdischer Friedhof, qui mène à un cimetière juif très ancien, restauré, très vert, dans le gazon, et dont les stèles au soleil sont comme rosées sur les photos. Mais on ne le voit pas. Avant les courses on n’y pense pas et après on a plus trop le temps.
C’est un chemin parcouru à l’aveugle, il est parfois très court, on se laisse surprendre du raccourci, un passage de marbre entre deux rues dans Paris, un couloir entre deux cours dans Berlin, une traboule de dalle entre deux immeubles dans Lyon, un Lane de terre dans Glasgow, une venelle de gravier dans Saint-Jean-de-la-Ruelle, tout va bien. On a cligné des yeux. C’est un chemin parcouru à l’aveugle, il est parfois très long, il dure parfois une vie, c’est un aveuglement familial, un déni dénié, et ça dure, une photo manque dans l’album. Il ne reste collés que les quatre petits coins en papier calque jauni sur la page de papier vert foncé, un peu sale de temps. On s’en parle tout seul et puis on se répète, une fois, deux, deux fois, et puis à chaque fois, chaque fois et maintenant à chaque fois qu’on fait sa rentrée littéraire, et puis tout le temps, mais alors on s’arrache les cheveux, les sourcils, les cils et puis les yeux se grisent et s’aveuglent l’un l’autre, pas un œil pour rattraper l’autre. Comment ça s’arrête ? J’ai de moins en moins de poils aux yeux et beaucoup plus dans les oreilles.
merci pour ce texte qui attrape, avec cette alternance de pronoms, de point de vue, de narrateur et d’histoires, et surtout pour ce motif du sac qui revient et qui fait ce lien ténu entre tout ça, comme si on était un peu finalement toujours au même endroit, mais en ayant parcouru des monde.