EXPANSION1
… l’imposant Cluster Covid gigantesque cargo porte-conteneurs pavillon funeste et inattaquable diagonales fond bleu et rouge deux étoiles croisées par deux carrés tragique périple accosté tôt dans l’après-midi une grave avarie des membres de l’équipage hommes étiques aux pieds nus la lointaine Indonésie éloignés de leurs familles nouvelle défaillance ni salaire sans perspective de retour proche l’armateur indélicat coutumier des faits miséreux dépossédés de passeport contractée selon toute hypothèse fin fond de Valparaiso ou bien Santiago à moins que Rio depuis de longs mois pendant l’étendue follement industrieuse
grilles et portails gris, port du casque obligatoire, grouillantes chaînes grinçantes poulies, basculeurs portiques rails, chocs cris rires appels, dockers en gilets jaunes, nuques adustes en sueur, mains calleuses gantées d’épais ou doigts fantômes pendus à la ceinture comme des pis (cigarette au bec mèche de fumée dans l’œil), lourdement chaussés de sécurité, accrochaient levaient balançaient oscillaient déposaient arrimaient ravitaillaient les racks et tranches chargeaient les conteneurs-sucres emballés de bleu rouge vert
s’en mettait 13000 la population massée devant plein la cale et le pont la cathédrale rubicube flottait toute gonflée et majestueuse sur l’eau flottait glissait dédaigneuse insolente sous les flèches jaunes flottait glissait s’avançait pas loin une noyée malentendu imposante sous les girafes charge des manifestants la plus ancienne aujourd’hui musée, fleuron de notre héritage industriel approchait impassible en mars dernier dispersez-vous ! on peut visiter ? dernière sommation ! c’est bien tant pis dommage mais… le commissaire principal a déploré tristesse les gens massés a prévenu l’irresponsabilité les chiens démuselés condamné sans hésiter sans remord sans soucis sans ambages actuellement en restauration l’association des anciens dockers et amis du port regrettable ! force reste à la loi mise en garde !
attention plus que jamais prenez sens et raison vous ignorez tout ce dans quoi vous mettez les pieds, chaque fois les mêmes provocateurs les habituels factieux les activistes troubles les hordes d’agitateurs les black blocks hargneux les jets de pierres à bout portant les insultes caracollées aux lèvres aux oreilles aux pavés la république bafouéehumiliéedégradéeconspuéevilipendéeendangerendommagéeensanglantée les grenades les casques les boucliers piétinés on croit cauchemarder ! Protéger vos âges délabrés sur ce quai périlleux !!! Comment ?
colère restez chez votre état de santé nombre limité – prise de rendez-vous indispensable jusqu’au fauteuil à roulettes ! lacrymos de défonce défense idéraisonnable surtout en cette période estivale la foule ébahie la main devant la bouche furieuse clamant toussant crachant dans la paume tout à la fois les oh les ah surprise effarement pleurant les oh regarde! les là ! là là ! joie hélant pétrissant d’émotion les bras des enfants marche silencieuse giclant étalant s’essuyant la crème foutre de protection solaire défilé de pancartes jamais assez de précautions justice nulle part excitation onde frémissante indice 50 absolument riant Léo Léa surtout en début d’exposition ceux-là debout à côté scotchés dans la main et nez contre fesses police partout la longue cheminée du ciel au-dessus vertige holà stupeur frottant les yeux incroyable le géant surplomb des mers le protubérant bulbe d’étrave immense sa poupe là là au bout du doigt tu vois ? cherchant appelant les plus petits hissés dans les bras la mousse touffue éjaculée des propulseurs obtué le canal les pupilles frites de soleil sous le bob champignon on a dû l’héliffacer un après l’un trébuchant aveugle dans l’eau glacée volatiliser les lignes du dessus chutant dans la nuit de fumées piquantes tétris naval creuser au cul derrière les tractopelles arcboutés grondant grognant soufflant noir chaque année en période de croisement tous acharnés minuvisibles fourmis elle tombant coulant suffoquant avalant recrachant mais beaucoup beaucoup poing de l’eau glacée surnagée d’aboiements explosions cris fracturés d’éclairs dessus, lucioles émiettées salées dedans comme celui qui joue avec toi suffoquant suffoquant l’eau suffoquant suffoquant le feu verse le sable à la cuillère dans la grosse benne du camion plastique rouge et jaune ses roues crantées son capot camus renifleur boudeur larmouilleur salera la soupe ça te passera avant que noyée noyée noyée et là ! Les remorqueurs verts l’anneau pneu boudin crocheté au nez étau étau poitrine crachote le tuyau fumée gicle la pompe à incendie hululent les sirènes hibou terminée l’addition arithmétique des marins : dix jours en quarantaine ! c’est pourtant connu une dans chaque port dix jours ballotée enflée dans les piliers boueux entrecroisés sous la jetée clapoteuse c’est comme ça qu’on s’attrape ! 900 kilomètres de bouchons !
le préfet maritime d’illustration sur la photo en haut de page : casquette à galon, barbe de loup-de-mer poivre et sel, sérieuse, ressuscite l’abri du marin rose en grandes pompes luisant sous le ruban à ciseau, ses grosses pierres d’encadrement en granit, ses grandes vitres vibrantes au tout cuisant soleil ; le baromètre argenté durcit son téton tendu sur la façade, cachète en rond le port inversé, silencieux dans la bulle magique les touristes bougent et parlent muet, marchent en flou en groupe en short rouge ou blanc, en décor les carrés des murs sous les toits de la ville, le triangle osseux du clocher gratte l’éraflure légère d’un nuage inconsistant ; soudain la pluie mouille l’odeur de pipe et de tabac un fort vent de flux NNO agite les hamacs bibliothèque, une main (femme ?) ferme la fenêtre, clac, l’écriteau en grosses lettres blanches secoue sec sous ses ficelles, menace : si tu l’as chez toi dans ta cuisine ton salon ton jardin ton garage, même dissimulé au fond de la malle dans le grenier, sous tes piles de vieux journaux derrière les dentelles rêches des habits de la poupée de chiffon, (oh ses grands yeux fixes d’amante morte !) entre les morceaux de la dînette cassée, n’importe où que tu sois que tu croies que tu dises que tu imagines il ne t’appartient pas
triste nouvelle à 17h le porte-parole devant l’hôpital poissons ménagez-vous passible de sanctions santé important de boire beaucoup passible de poursuites bien très triste nouvelle 900 kms le pire cette saison passible de passé passable
le chef mécanicien est décédé d’une ultime morsure de nuit dans la chambre au deuxième étage où l’avaient conduit, dès son arrivée, l’ambulance pinpon rouge le brancard et l’isolement, les autres membres d’équipage profondément choqués ont tiré à la courte paille celui qui tombera à l’eau celui qui sera mangé ohé ohé capitaine abandonné
trop nombreux contreviennent vigilance orange orage réfutation d’obtempérer rébellion des forces de l’ordre modérer votre tendance aux excès ignorance de la loi et ses décrets bafouer travail : de belles opportunités comparution immédiate interpelé de divagation SDF la plus grande sévérité abruti de bosses de piques et de grilles pour casser le dos interdiction formelle au centre-ville touristique (petit train crème et doré, glaces, pavés, colombages, poneys en captivité pour promener les enfants, jolies boutiques !)
attroupeurs buveurs de canettes métal pueurs pollueurs harangueurs d’insécurité brouillonne, crasseux de tous bords, chiens à crocs punks accros à clous à crêtes, kantatoi tu seras superposé dans la liste à renouvellement automatique des rageurs proscrits au pays des interdits du séjour, renvoyé pagayer loin dans l’eau de mer le gas-oil la misère noire des immondes perdus, doublure trouée des histoires civilisées
tolérance zéro ne t’appartient pas un œuf c’est un bœuf donner c’est donner l’œil était dans ta tombe amour : du renouveau dans vos relations regardait cahin-caha
à la cantine végétarienne on ne servira qu’un repas sans os sans viande sans poissons sans eux, les enfants seront maigres et maladifs c’est scandaleux surtout ceux qui ne peuvent pas se sustentionner correctement ils ont mieux à faire que s’asseoir autour du manger la table mieux à faire que mâcher mastiquer les précautions de bien avaler sans parler mieux à faire que le fini démodé tais-toi quand les parents discutent les importances et l’éducation
a bien changé la vie moderne a bien changé on a vu sa toison fuxuriante au salon des expositions : la fusée qui te postillonne dans la lune c’est plus rien maintenant en avant mars les maisons bulles flottent toutes rondes sur l’eau tournent comme des toupies pour les vacances d’élites bienheureuses la robotique t’avantage partout partout te multiplie partout te révolutionne partout c’est le grand retour de l’amiobiotique le revenir aux sources
nous informent que des orages violents vont grêler inonder saccager écrouler les falaises de l’eau qui remonte de plus en plus avec les ours polaires la peau en rideau sur leur pétale de glace les ours de terre (nom Martin) roulent des épaules dans les villes regardent les habitants à travers leurs fenêtres discutent le papier la déco la peinture
cabossée après le choc responsable d’ouvrir la portière sans regarder la cycliste… surtout en cette saison s’en remettait 13000 …
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… arrêter de parler pour personne, ballotée sur la banquette crasseuse et défoncée, coincée à l’arrière de l’autocar massif (un vieux bus jaune-vif, TATA, chaotique et rouillé – engagé dans un râle tonitruant contre la surcharge, bagages et passagers sanglés ou cramponnés jusque sur la galerie, torses minces luisants de sueur entre les pans de chemises déchirées, fanions offerts au vent, les bras haubans noués aux barres de métal sur le toit ; au bout d’une main tendue à la fenêtre la grappe de poules dans un nuage de plumes et de caquètements furieux, pattes grêles entravées, les régimes de bananes vertes ; les creux les bosses le soleil les branches maigres et piquantes les arbres aux troncs badigeonnés de blanc à mi-hauteur, les pierres brûlantes et acérées, la terre en poudre, en soif, en mirages vibrants ; jusqu’à la sépulture géographique à venir, ombre de squelette partiellement désossé en bordure de paysage) qui soulève un nuage roux au sortir de la ville ( pour ainsi dire… les toits de tôle ondulée s’éteignent presque d’un coup comme des points de suspension rabotant l’épaisseur des lignes…) encore des planches et une bâche pour le dernier étal où le type ensanglanté vend sa marchandise grouillante de mouches – les gamins au short immense en tuyau autour des jambes maigres (des moustiques on dirait des moustiques) debout à côté des bidons blancs remplis d’essence – incroyable ça vaut rien ici l’essence ça vaut rien du tout ! – elle est secouée contre l’épaule de l’autre en pleurs derrière les boucles de sa tignasse, se demande pourquoi elle a accepté de l’accompagner, qu’est-ce qu’il lui a stupidement pris de venir se foutre dans ce traquenard du retour aux sources, ici, en compagnie des cousins de la rousse qui minaude et sanglote. Tout le long du voyage elle a essayé d’exister un peu aussi quand même – c’était pas grand-chose – juste avoir son mot à mêler en quelque sorte – pas faire son importante mais plutôt – comment expliquer – ça lui revient de loin très loin cette histoire – un peu comme dans les rêves s’il fallait comparer – tu dois aller quelque part et impossible d’avancer, engluée dans l’histoire, t’arrives pas à t’en sortir, au réveil la tête est encore poisseuse, et bien pour elle c’est le contraire, brillance de cire, vernis et glace – sans pouvoir dire si c’est moins ou pire – c’est toujours comme ça : elle dit quelque chose et autour on l’entend pas, c’est comme si sa bouche parlait pour personne qui regarde par la fenêtre et se retourne même pas ou des fois la regarde, de ça elle est certaine, mais les yeux ne la voient pas, alors sa bouche mâche encore d’autres mots qui sortent et n’arrivent pas à lancer les petits harpons ou les crochets que font les mots ordinaires, les mots ne se jettent pas dans l’air pour traverser rejoindre les images et les mots des autres, non, ils restent à flotter timides, hésitent comme une vapeur morne, puis retombent par terre avec leurs soubresauts minables de petits corps de mots morts, finissent en tas de cendre ridicule et honteux, résidu négligeable, moins que l’odeur du tabac froid dans la gueule des cendriers parce que là au moins ça dérange. Ça fait longtemps qu’elle a remarqué. Ça lui arrive souvent, peut-être depuis toujours. Depuis aussi longtemps que les souvenirs. Comme si elle était dans la cage des interrogatoires, derrière les vitres sans tain , mais à l’envers en quelque sorte. Elle est fermée au milieu de tout l’alentour. elle le voit. elle l’entend aussi. elle appelle, elle crie. toujours l’alentour déploie sans effort sa pleine vie, continue, ne la sait pas.
Codicille: C’est venu avec le Larousse premier dico, entre l’abécédaire et effeuiller le monde en images, et puis la vie en vrac quand les mots transpercent ou ignorent, quand ils refusent la traversée et la rive parfois, quand ils mélangent et embrouillent dedans et dehors souvent. C’est venu en expansion de la bouche détachée d’elle qui ne parle pour personne #L2 Une vie. Extraits. ainsi qu’en prolongeant le débordement aléatoire et arbitraire des petites phrases du journal du matin #L2 la vie carton-pâte.
Comme souvent dans le travail d’atelier du Tiers Livre je me retrouve avec ces fameux « îlots de texte » auxquels manquent la cohérence thématique pas encore trouvée, mais aussi, et surtout, un style, un langage « commun ». En général ça précède le découragement et l’abandon !
Mais j’ai décidé :
que rien n’empêche de mettre à la corbeille, réelle ou virtuelle !
que rien n’impose de savoir où on va avant d’y aller !
que rien n’oblige à décider comment y va avant d’avoir commencé !
Enfin je voulais lancer des expansions trois – quatre etc… mais le temps manque, quitte à y revenir, essayer de rester tant bien que mal dans le mouvement collectif.
Coucou Jacques, il faut que je relise demain, mais je t’ai suivi mieux que jamais. Je ne sais pas pourquoi, ça coule bien, comme si tu avais déporté ton regard vers l’extérieur et que ça aide à suivre.
En tout cas accroche toi, même si tu ne sais pas où tu vas.
Moi je pédale même si j’écris mais sans savoir où je vais. Mon histoire me semble sans intérêt autre que pour moi-même…ce qui est déjà qqch auquel je m’accroche.
hello Danièle et merci de ta constance ! Oui oui oui je vais m’accrocher tant bien que tant mal et j’irai faire un tour du côté de ton pdf dès que je serai « à jour » !
Elle est bien ta 6,je viens de la lire sur facebook. Bises. Je patauge dans mes savanes inondées sans savoir s’il en sortira qqch et j’ai des problèmes de pdf.
Trop heureuse de vous (re)lire ! On s’en fiche de la cohérence, c’est fort et juste, ça résonne vrai, tout ces îlots, parfois le sentiment d’y être, en tout cas embarquée tout du long, ça c’est sûr.
Au plaisir de lire vos prochaines expansions (j’y crois), merci !
ah merci à vous c’est précieux les encouragements quand on a l’impression de se perdre un peu ! Me reste à trouver une forme/cadre pour emballer tout ça mais paraît que ça fait partie du jeu ! Dès que je me serai un peu dépatouillé de la 6 je viens vous rendre visite !