Le remugle de la sale époque. Il traîne dans les têtes, dans les bicoques, dans l’ombre des murs de la vieille maison, dans la cave du bar des sirènes. Le peuple des rats s’en repaît quand il grignote les vieux magazines qui pourrissent. Chaque semaine on les avait pour rien mais, bien vu de s’abonner. Beaucoup de photographies ; couleurs en première page, noir et blanc à l’intérieur. La vie des puissants d’alors dans leurs beaux uniformes à casquette, épée, moustaches et lunettes aviateur, teintées comme miroirs féroces ; galons et médailles à breloquer jusqu’au sol, — soigneusement balayé — des demeures officielles, des palais gouvernementaux, des casernes, des cathédrales ou, à cheval, dans les villages des hauts plateaux et même dans le port d’ici. Toujours autour, des petits en plongée, comme dévoués, émus, reconnaissants, humbles et souriants. Soumis. Nombreuses têtes nues au passage des cortèges. Ou alors, des scènes de la bonne vie de famille, tout le monde le sourire bien propre, dans les intérieurs cossus, militaires ou baroques des demeures officielles, des palais gouvernementaux, des casernes, des cathédrales ou sur les places des marchés ou dans les palaces du bord de l’océan. Mais les petits, ces photos, ils les ont oubliées. Des ombres dans les crânes. Vivre avec. Le marin, au début avec la clique, normal d’obéir. Et puis un jour, ordre donné de faire un exemple. Nettoyage, ils ont dit. Les gosses des escaliers, en fuite de la pauvreté des hauts plateaux, échoués dans la ville portuaire, le jour en attente d’une piécette contre un service, d’une cigarette, d’un bout de générosité; la nuit à essayer de dormir agglutinés les uns aux autres. Parfois, à se bagarrer autour des poubelles avec les chiens jaunes d’ici. Parfois à attendre les ivrognes pour leur faire les poches. Lui, le marin, a pas pu supporter matraquer à mort, balancer dans les camions pour où ? Alors, ils l’ont forcé à. Lucidité perforante. A refusé encore. Déserteur ils ont dit, traître au peuple. A connu l’ombre des murs de la grande maison. Morceaux de barbaques raboutés, a fini au fond d’une cale à charbonner. La Sirène elle a voulu sauter dans le grand oubli, avec les poissons. Se souvient de l’ombre des murs de la vieille maison où ils l’ont prise. Plusieurs jours. Balancée elle aussi, mais dans les escaliers, pour les rats et les chiens jaunes. Les petits gosses l’ont transportée chez le photographe et puis, les soins clandestins, avec sa patience à lui et remonter vers sa surface et puis endurer, s’endurcir. Parfois aussi, plusieurs fantômes dans le crâne. Le préposé au funiculaire, petit vieux voûté de la vie, obligé de travailler. Ses collègues y sont restés, ses gosses aussi. Tous finis aux poissons suite aux manifestations. Maintenant ça va mieux merci mais, longtemps il a mis pour revenir au marché, sur le port. Les poissons, il les entendait crier les voix des siens, il les voyait dans leurs gros yeux. Au moins, dans le guichet du bas, les grincements de la machine, les demandes des clients, la caisse enregistreuse, ça les tenait à distance les cris et les regards des poissons. Tellement facile de les accabler, de les accuser, de les écraser les petits.
Codicille : commencé avec 1 bout de #L4 pour finir par en utiliser 4 pour faire loupe sur les personnages #L1,#L2,#L3. A l'écriture, tout faire pour tenir à distance l'histoire à l'approche. A l'écriture, réalisé aussi que deux autres livres en arrière de ce qui s'avance ici. Les ajouter à ma #L4 ?
Excellent…. J’adhère totalement. Incroyables remous. Jusqu’au verdict final