De La Présence Pure /Christian Bobin, j’aime sa poésie qui me touche et me parle de l’immédiateté du vivant, pour son parallèle entre l’arbre devant sa fenêtre et son père en Ehpad qui perd la mémoire. Il me dit que la présence, juste une présence quand les mots ne sont plus possibles, c’est essentiel.
De Dans la forêt / Jean Hegland, j’aime le récit des liens entre deux sœurs qui cherchent à survivre, leur quotidien dans la forêt qu’elles doivent apprivoiser, la manière dont l’auteure nous met dans les pensées et l’intimité de la sœur qui raconte, pour sa sensualité et le contexte de crise (écrit en 1996) qui rappelle notre situation sanitaire actuelle.
De Soie / Alessandro Baricco, j’aime le style d’écriture de l’auteur qui m’embarque dans une histoire de voyage et d’amour, avec sensualité et retenue, dans une succession de chapitres concis, avec juste l’essentiel, entre réalité et rêve, comme un origami qu’on plie et déplie lentement plusieurs fois et qui garde tout son mystère.
De Le Pacha / Fabio Viscogliosi – Blutch, j’aime le texte de F. Viscogliosi qui, avec une ou deux phrases par page, raconte la vie, le quotidien, l’amour, le rêve, la solitude d’un personnage qu’on n’arrive pas à identifier – humain animal monstre. J’aime la noirceur des dessins de Blutch. J’aime leur délire poétique. J’aime la reprise à chaque page de la dernière phrase ou du dernier mot de la page précédente. Déjà utilisé Le Pacha en atelier, ça marche bien.
De Autoportrait de l’auteur en coureur de fond / Haruki Murakami, j’aime découvrir comment l’auteur travaille l’écriture au quotidien et le parallèle avec la course à pied, les efforts à fournir et comment il trouve son équilibre avec ces deux activités si différentes.
De Parfums / Philippe Claudel, j’aime l’inventaire de ses souvenirs d’enfance qui sont autant de points de départ pour un atelier : brouillard, chambres d’hôtel, coiffeur, piscine, sapin, vieillesse … Et puis comme P. Claudel est un homme de l’Est, je me retrouve souvent dans ce qu’il écrit.
De A la ligne / Joseph Ponthus, j’aime son écriture sans ponctuation, télégraphique, précise avec peu de mots sur chaque ligne, sur son travail à l’usine, ses colères, son découragement, son humour. Parce que j’ai aimé donner des cours de français dans une usine, que à la fin j’admirais le courage des participants et que j’avais appris à aimer leur usine.
De Histoire d’Irène / erri De Luca, j’aime ses phrases courtes qui disent l’essentiel, sa langue épurée, sa poésie, une drôle d’histoire fusionnelle avec la mer.
De Terminus radieux / Antoine Volodine, j’aime l’univers étrange qu’il crée, les personnages fantastiques, les différents territoires, la forêt aux pouvoirs dangereux, la tension qui parcourt l’imaginaire de l’auteur, l’aspect roman d’anticipation. « On est tous ni morts ni vivants à Terminus radieux. On est tous des morceaux de rêves de Soloveï. On est tous des espèces de bouts de rêves ou de poèmes de son crâne. » J’aime l’endurance du personnage central, sa lutte pour être libre et survivre. Par rapport à la forêt racontée par Jean Hegland, citée plus haut, avec Volodine c’est la version trash.
De Mémoire de porc-épic / Alain Mabanckou, j’aime le texte sans majuscules ni points, juste des virgules, qui fait penser à l’oralité d’un conte. J’aime l’idée d’un animal sauvage comme le double d’un être humain, un double nuisible, les croyances issues d’une autre culture, où le monde sauvage tient une véritable place dans l’histoire, à égalité avec l’homme.
De L’Africain et Onitsha / J.M.G. Le Clézio, j’aime découvrir l’enfance de l’auteur et le vécu de sa famille, associés à la mémoire modifiée et le récit fictif qu’il en a fait, j’aime explorer ce qui a fondé son écriture.
Et d’autres encore … des Américaines, Toni Morrison, Carson McCullers, des anciens comme Stefan Zweig, Tchekhov …
Murakami bine sûr, Philippe Claudel également.
Je vais de mon côté découvrir Jean Hegland et Alain Mabanckou. A mon tour de vous remercier.
… L’Africain, bien sûr, lu et relu en boucle ! et puis Alain Mabanckou, découvert avec Verre Cassé, un texte à couper le souffle, sans point d’un bout à l’autre, rien que des virgules… et du côté japonais, Akira Mizubayashi, avec Une langue venue d’ailleurs – à chaque ligne, impression de s’y retrouver – jusque dans les techniques d’apprentissage, quand on est à la fois habité.e par sa propre langue et néanmoins totalement emporté.e par une autre, j’ai pensé à lui immédiatement pour peupler le microcosme de ma L#2… Carson McCullers et son Heart is a lonely hunter ! Quelle émotion de retrouver tout ça dans votre texte, Martine…
Merci Christiane. Oui ça fait du bien de retrouver chez les uns et les autres des auteurs qui nous ont touchés et qu’on n’a pas cités et aussi d’en découvrir. Vais explorer Mizubayashi.