Il est nécessaire de garder à l’esprit que la génération à laquelle appartient l’auteur d’une liste est un facteur déterminant pour le contenu même de cette liste. Il n’est donc pas obligatoire de jeter l’auteur d’une liste avec les rayons de sa vieille bibliothèque.
De Daudet : des petites choses qui parlent, lues en cachette en pensionnat
De Leblanc : inventeur d’un héros qui m’a fait escalader des murs, sauter des barrières, visiter des propriétés privées et voler des pommes de pins, des fleurs rares et une ampoule de mercure
De Leroux : la lumière peut être l’arme du crime
De Conan Doyle : pas les tables qui tournent, mais création d’un incomparable esprit et d’un pertinent duo. Et le grand hiatus qui permet tout.
De Cendrars : tous les rêves de voyages qui aident aussi à ne pas partir
De Malraux : qui dessine des petits diables en conseil des ministres et dont la voix fait entrer les morts en légende
De Hemingway : écrire debout
De Nin : première rencontre avec la nudité d’une femme libre
De Maupassant : la chance d’avoir eu pour mère une grande intellectuelle aventureuse
De Conrad : troublante séduction, troublante vision, troublant climat, jeux toujours troublants
De Colette : tomber en amour après la naissance du jour. La relire encore.
De Verne : toujours en relire un par an et toujours à la lumière de Freud et Lacan
De Loti : comme pour Victor Hugo, ne jamais oublier ses dessins
De Joyce : rocher escaladé à maintes reprises avant de commencer par la fin enfin et rêver de se raser en plein air au pied d’une tour imaginaire ou se contenter d’une boite de haricots au ketchup au retour de Dublin
De Malaurie : une oeuvre immense, le courage de dire, la volonté de faire entendre
De Mankell : Apprivoiser la mort jusqu’à la sienne
De Indradason : la quête du frère perdu et l’enquête en insularité
De Céline : la violence des mots jusqu’à l’abject, l’amour d’une danseuse jusqu’à la mort
De Levi-Strauss : comprendre enfin le vent et le brouillard, lire, relire et relire encore « Race et Histoire » écrit en 1952 à la demande l’UNESCO
De Descola : tout relire encore et encore même si il est trop tard
De Le Carré : tout est doutes, méfiances, complots, ruses, grand jeu et parfois les gentils s’en sortent pas trop mal
De Klee : de l’importance des petits traits en période de crise
De Tosel : De Spinoza à Gramsci et plus si affinités. Des exigeants travaux encore trop ignorés.
De Bauman : tout relire encore et encore même si ça va mal se terminer
De Souvestre & Alain : deux génies du feuilleton entre lesquels il ne faut pas oublier qu’il y avait une femme
De Eco : comprendre des listes, des structures absentes, la narration plus vraie que l’histoire, les images plus fortes que tout, les mises en abîme comme jeu incessant
De Camus : aimer a être malade d’une absence
De Greene : la déloyauté marque de l’écrivain, écrire contre
De Butor : des écritures dans la peinture, l’océan des mots, le génie des lieux, une voix sage, apaisante et constante
De Prevert : la faim des listes sans fin des listes sans fin
Blek le roc, bien sûr.
La lumière en arme du crime c’est joli ou terrible … et tous ces dessins qui courent vos livres ( les petits traits en période de crise c’est si juste) Klee indispensable ( c’est drôle j’ai découvert il y a quelques mois les « griboullis » malicieux de Malraux grâce à un ami) … cette histoire de déloyauté en écriture il faudra que je comprenne.
Tellement intéressant de relire votre texte sans les auteurs. Exercice étonnant. Merci.
Merci Anne, Nathalie et Laurent pour vos retours. Très sensible, Nathalie Holt, à l’indispensable Klee et à notre intérêt partagé pour les petits traits et autres gribouillis.