De Dumas, Alexandre : échevelé par le souffle narratif, le démontage minutieux des ressorts humains (Le Comte de Monte-Cristo), le récit vite comme un cheval au galop, halètements de la lecture nocturne à la lampe de poche
De Sebald Winfried Georg : le compagnon mélancolique, l’arpenteur infatigable, qui fait réapparaitre les fantômes. Ses talismans sont des photographies, des tickets, des étiquettes, des coupures de journaux : de petits signes qui deviennent insignes : la prose de Sebald m’est enchantement (Les Émigrants, Les Anneaux de Saturne)
De Borges, José Luis : l’éblouissement, le vertige des Fictions qui m’a fait douter de la réalité même. Alors, on peut faire cela ? Perdre son lecteur dans les méandres de la culture mondiale, l’égarer dans d’infinis labyrinthes d’espace et de temps, le leurrer dans d’inquiétants miroirs ? Je ne me suis jamais remis tout à fait de sa littérature tissée de maints songes
De Michaux, Henri : la rencontre majeure, le poète-peintre des mots et non-mots, de l’encre vibrionnaire éparse en visages exploratoires, en fulgurations étourdissantes, en taches hypnotiques, en sismographies des dedans. L’autorisation donnée « toi aussi, lecteur… » à moi de me mettre dans ses pas.
De Céline, Louis-Ferdinand : l’ineffaçable poinçon du Voyage au bout de la nuit, de l’homme revenu de tout pour le dire et n’en parler plus, d’une langue classique farcie d’argots, pour évoquer la laideur, le puits sans fond du pessimisme
De Pacheco José Emilio, Morirás lejos (Tu mourras ailleurs), le coup de poing d’une langue en état de siège, du roman sapé, lu et relu en espagnol (Mexique) et en français, happé dans le gouffre des possibles narratifs qui font vaciller la réalité, un très grand choc esthétique
De Perec, Georges, L’Homme qui dort (mais aussi : tout Perec), il m’a marqué à vif d’une lettre disparue, de l’infra et du gris, de la possible disparition de la littérature au bord de l’abîme, il m’est impossible d’écrire sans penser à lui
De Beckett, Samuel, le vacillement de la langue entre Didi et Gogo, mais aussi : tout Beckett. J’ai compris grâce à lui, en classe de Seconde, ce que voulait dire l’arbitraire du langage
De Volodine, Antoine, parce qu’il a écrit ce que j’aurais aimé écrire : tempêtes chamaniques, monde post-apocalyptique irradié, fin des utopies, moisissures crépusculaires, dépôts catastrophiques
De Verne, Jules, son Château des Carpathes qui m’a longtemps envoûté ; son Ile mystérieuse, sa précision lexicale, Fogg et Némo chez Hetzel, son savoir encyclopédique, démiurge de mille mondes hantés par la technique maîtrisée
Merci de ce partage ! Je retiens Morirás lejos, que je ne connais pas. Très belle la description de Borges
Merci Hélène, vous ne regretterez pas la découverte de ce roman (et peut-être de cet auteur mexicain) !
Bonjour,
Merci pour cette liste si proche des préoccupations du langage et des signes.
Qu’est ce que vous conseilleriez de Volodine (ou d’un de ses hétéronymes)?
J’ai un souvenir très prégnant de « Dongdog », et encore plus fort de « Terminus radieux » (en complète phase avec mon imaginaire)…