J’irai cracher sur vos tombes de Vernon Sullivan. Des points de netteté dans le déséquilibre, une avancée à l’aveugle comme un éblouissement. Cheminer entre le sérieux et la farce du monde dans une tension extrême.
Le Mur de Jean-Paul Sartre, marcher sur une lame, se promener au bord de cette frontière mince, faire des cercles infinis autour d’un basculent imminent, un vertige.
L’Étranger de Albert Camus, plongée en abîme sous un soleil traitre. La nudité hypnotisante du langage et des phrases qui crée dans l’esprit toute cette matière, tous ces mondes, qui s’agglutinent autour de chaque mots comme milles mouches invisibles. L’esprit travaille autant à inventer qu’à lire, la place lui est faite par cette respiration.
Le Château de Franz Kafka. Une abstraction faite de formes aux angles durs, de matériaux bien trop palpables et réels, soulever les pans de la jupe du cohérent, du tangible pour en dérober une abstraction secrète.
Journal d’un vieux dégueulasse de Charles Bukowski. Regarder le réel dans un miroir déformant, arracher au réel tout ce qu’il y a de sublime et d’immonde. Traverser la nuit.
Majda en Août de Samira Sedira. Repères mouvants, reconstruire à partir de quelques points dispersés là, comme des accroches. Un autre Sud de la France, loin des cartes postales.
Été 80 de Marguerite Duras. Défaire le langage comme un tricot, observer le fil, seulement le fil, tout reconstruire à partir de ce qui est vu et entendu. Les mots, le discours, les images, à la fois navires et ports, points d’attaches et de dispersion, d’itinérance.
Meurtre de Danielle Collobert, tracer des morceaux de routes pour s’y perdre, un rapport physique, presque manuel au langage, autant de par sa manière de raconter le corps que de faire usage de l’écriture comme un corps.
Tandis que j’agonise de William Faulkner, les frontières du monde intérieur délimitées par la perception, l’élan intérieur de ce qui constitue un être et ses émotions comme des fenêtres qui percent les murs, des tentacules aveugles qui attrapent tout ce qui se trouvent autour, créent le lien. Des fleuves qui s’entremêlent.
Lumière d’Août de William Faulkner. Mille strates invisibles sur la nudité du paysage. Les prisons que dressent le systèmes des Hommes et celles à l’intérieur de chacun dans lesquelles se meut tout de même un désir de vivre, de survivre, une cheminée éternelle dans une maison obscure.
L’excès-l’Usine de Leslie Kaplan. Un état de l’être, une condition, à la fois celle de l’individu, du groupe mais par extension celle du monde. L’aliénation entre individu et système de monde matériel. Dire l’errance dans le vide qui persiste au milieu des formes, des habitudes, au delà même des questions. Ce qui est là.
L’Été des Charognes, de Simon Johannin, la revanche de l’organique sur les déchets d’un monde moderne aux utopies fatiguées. Une poésie trouvée dans les poubelles de la désillusion.