Toujours fidèle Henri (Michaux) habite chaque pièce cent fois lu cent fois nomme là où je suis décrit textures intérieures extérieures postures espaces fantastiques légers bourgeons confirment mon identité et sous chaque mot « écris, maintenant ».
René (Char) dit mes 20 mes 30 mes 40 ans de désir demeuré désir chiendent qui creuse remonte réanime apaise déploie éloigne respire entre deux lignes ici je suis chez moi dans l’élan même de l’élan.
A la source l’école et l’exil quotidien de ma mère dans les romans me dégoutent des phrases je dévore les dictionnaires quels qu’ils soient plaisir encore plus grand à les inventer.
Premier livre attrapé seule à 14 ans les mémoires d’une jeune fille rangée de Simone m’autorisent à entrer en littérature souvenir aigre plein de promesses comparable au premier verre de vin.
Rainer Maria (Rilke) dépose ses lettres à un jeune poète et l’instant suivant Hermann (Hesse) aboie son Loup des Steppes qui sans crier gare m’attrape et me dévore comme un volcan — je regarde désormais le monde autrement.
Fernando (Pessoa) Alvaro Alberto dans sa paume enveloppent la fin de mon adolescence sa douceur chaloupée en tristesse infinie — Lisbonne au fond de ma gorge.
Et voici les Nègres les Bonnes le Balcon percussions dionysiaques de Jean (Genet) sitôt lues sitôt relues sitôt imaginées sur scène ou à flanc de bitume fulgurances coups pour coups masques toniques langue aiguisée comme une lame — le cinéma de Jean (Rouch) rencontré en même temps.
Antonin (Artaud) déplie le théâtre et son double pousse du fond très au fond d’un geste énorme réveille les pulsions souterraines qui jaillissent sans tendresse dans un brouhaha de racines — au fil d’Antonin les Tarahumaras m’offrent un premier contact étincelant avec le Mexique.
Rainer Maria (Rilke) déploie ses carnets de Malte Laurids Brigge errances fertiles offertes par T comme un soutien des passages des orées des décisions pour la vie — Fedor (Dostoïevski) m’accompagne en même temps me remue dans ses carnets du sous-sol personnages vibrants l’oeil mouillant enfermés au bord d’eux-mêmes.
Georges et ses espèces d’espaces penser classer s’associent à mes recherches d’étudiante artiste découvreuse d’art contemporain insatiables explorations inventaires infinis stimulent les réflexions excitent les projets ouvrent les yeux en pleine nuit.
La vie matérielle lecture choc drue saisissante qui force l’intelligence pousser la porte de Marguerite sous le soleil d’un été bourdonnant qui voit surgir tout près d’elle Joseph (Conrad) au coeur des ténèbres — étrange conversation à jamais inachevée à jamais aride.
Valère (Novarina) grimpe en grattant creuse la vase au fond du fleuve gonfle à mesure qu’il déborde de grappes verbales de laves de solitudes sans visage d’épaisses secousses tout au bout du bout de la langue essoufflée jusque là où on ne s’attendait plus à respirer encore.
S’allonger avec Bernard-Marie (Koltès) dans la solitude des champs de coton là au coeur de la nuit juste avant les forêts respirer les dernières voix déversées toujours pour la dernière fois — Samuel (Beckett) débarque au même moment lectures goulues oublieuses des titres aux personnages de fin qui désarticulent sec.
Goliarda (Sapienza) s’assoit près de moi dans cette grande maison et m’enseigne doucement l’art de la joie l’art du roman et l’art de la vulnérabilité simple inconnue en me caressant les cheveux elle me dit n’aie pas peur de raconter des histoires n’aies pas peur de pleurer je suis là.
Marina (Abramović) pousse autre chose que la langue appuie l’art où ça fait mal au bord du bout d’un corps de femme ici maintenant Walk Through Walls défonce les espaces puissance jamais — vraiment jamais — vue férocement sidérée par cette vie de cavalcades sans freins où chaque performance défie la totalité de la chair.
Virginie (Despentes) me tend King Kong Théorie ouvre un espace insoupçonné démembre remembre démembre remembre cogne bastonne et répare instantanément un pan du monde de moi.
C’est exigeant et essentiel.
Oui. Christian, vous avez résumé ce que j’ai ressenti.
« textures intérieures extérieures de Michaux « – « les pulsions souterraines qui jaillissent sans tendresse dans un brouhaha de racines » Artaud – « secousses tout au bout du bout de la langue essoufflée jusque là où on ne s’attendait plus à respirer encore » de Novarina souffle et corps de votre sentimenthéque que l’on trouve dans votre #P5 Démoulage « Combat de verbes et de couleurs, besoin de solitude et de vent, la chair dépasse l’entendement, près des bords d’autres mains contactent le velours d’une peau qui répond oui. » c’est beau
liste impressionnante de précisions et suscitant une tonne d’envies
On sent l’amour des mots, la chair des mots, le corps du texte, et une très belle maîtrise de l’écriture autant que de la lecture. Merci, Lisa.