C’est un début de liste, un peu timide, une peu fébrile, quelques textes qui émergent dans ce questionnement et cette approche de soi, des textes choisis dans l’émotion du souvenir de la rencontre et de l’empreinte qu’ils ont laissée, des textes qui je crois m’ont accompagnée dans mon travail sur l’écriture, dans l’apprentissage de ma propre pratique. Chacun à leur manière, dans leur générosité, leur singularité et leur diversité ils m’ont permis petit à petit de nourrir mon espace d’écriture, de tenter de construire mon univers et d’avancer en terrain protégé malgré le doute insistant.
De L’Étranger (Albert Camus) : un instant ramassé dans un éblouissement, un flottement, une sensation. Un texte relu régulièrement comme un besoin viscéral de s’y replonger, de revivre à l’infini ce moment de grâce où l’écriture se dissout dans un rayon de soleil. Comment réussir à capter le lecteur au point qu’il se souvienne de cette sensation toute sa vie ? C’est ce qui m’est arrivé.
De Loin d’eux (Laurent Mauvignier) : comme un plongeon dans un monologue infini, la découverte d’une autre langue, une révélation, comme l’envie d’y toucher, de s’y frotter, d’ouvrir des portes et une admiration inconditionnelle depuis ce début jusqu’à aujourd’hui. Une écriture en construction, en révélation. Suis fascinée. Beaucoup à apprendre de ces textes.
De La Mort du jeune aviateur anglais (Marguerite Duras) : comme un écho percutant, une gifle cinglante, une parole envoutante, une écriture du questionnement permanent. Je suis tombée en amour avec ce jeune aviateur dès la première lecture et depuis, je le garde dans mon cœur et j’y reviens pour ne pas l’oublier, pour m’imprégner des mots de celle qui jamais ne l’abandonnera.
De L’Écriture comme un couteau (Annie Ernaux) : c’est ça, comme un couteau. Que de choses à aller picorer. Un livre de bord qui me ramène sur le chemin de la pratique de l’écriture.
De Ellis island (Geoges Perec) : des thèmes qui me parlent, que je partage et que j’ai envie de creuser, d’aller bousculer, questionner encore et encore l’identité, l’exil, l’errance, la mémoire, la trace, l’espoir…
De En attendant Godot (Samuel Beckett) : j’attends toujours et encore… un texte qui a marqué ma jeunesse par sa modernité. Enfin, ça parlait autrement !
De Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (Stig Dagerman) : là où chaque mot dévoile un esprit qui se meurt. Tout est à garder, à se souvenir.
De Écrire (Marguerite Duras) : parce qu’il m’est indispensable et que je m’y replonge régulièrement. Un livre usé, malaxé, qui donne envie de se surpasser dans ce qu’on a creusé avec sa propre histoire d’écriture.
De Œuvres (Édouard Levé) : un truc délirant qui jamais ne s’achève.
De L’Été 80 (Marguerite Duras) : un été comme j’aurais aimé l’écrire avec mes mots, mon histoire et l’Histoire. Variations éclatantes.
De À ce stade de la nuit (Maylis de Kerangal) : c’est justement là que j’aimerais me trouver dans l’écriture. Inspirant.
De Elle regarde passer les gens (Anne-James Chaton) : parce que parfois ça peut être si simple… et ça marche !
De La Première année (Jean-Michel Espitallier) : comme une ode à la vie. Des mots partagés et au-delà du thème, une manière juste de les accorder qui me touche.
De Bleuets (Maggie Nelson) : du détournement d’une couleur et parce qu’il n’existe aucune catégorie pour le qualifier, c’est cette folie qui me grise.
De M Train (Patti Smith) : s’y couler, s’y glisser, y rester. La poésie dans les mots. Un texte que je ressens très fort et qui m’emporte loin. Trouver les mots, le chemin pour croiser sa route, voilà ce qui me porte.
De Antigone (Jean Anouilh) : parce que c’est elle, parce que ce n’est pas moi, parce que s’en approcher, pas loin, tout près, en rêver, aller jusqu’au bout et même ailleurs. Fort, très fort.
De Déjeuner du matin (Jacques Prévert) : des gestes si simples, si incarnés et parce qu’à la fin, je pleure toujours. Touchée !
De « Sous la cendre » dans Ni fleurs ni couronnes (Maylis de Kerengal) : une première rencontre avec des mots posés autrement, avec une autre résonnance. Et depuis, je n’ai rien manqué, suis toujours aussi fascinée par l’exactitude de cette écriture. Un monde à part et j’y travaille, j’essaie.
De Journal du dehors (Annie Ernaux) : comme une nécessité du moment, un appel à figer l’instant dans une forme d’ordinaire de la vie. C’est bien aussi le regard de la vie autour.
De Dora Bruder (Patrick Modiano) : comme j’aime y retourner, reprendre encore et encore ce parcours, chercher Dora quelque part, retrouver sa trace. Toujours l’espoir que la fin sera différente.
De Journaux (Sylvia Plath) : parce que c’est la vie malgré tout dans tout ce qu’elle a à offrir ou à nous confisquer, parce que c’est l’intimité de soi et parce que j’aurais aimé garder mes écrits depuis mon adolescence.
De Mermoz (Joseph Kessel) : me replonger dans ce qui m’a nourrie dans ma jeunesse, croire en l’amitié profonde et l’exposer, évoquer avec passion ceux qui nous donnent le goût d’avancer.
De De sang-froid (Truman Capote) : le réel dans le réel. Glacial. Une ouverture vers le reportage. Une expérience. Parce que j’aime ça aussi, l’écrit au plus près de la réalité, le témoignage.
émotion en te lisant.: sommes tombées en amour pour le même homme ( un mort un anglais )… relu L’Etranger il y un an la brûlure oui éblouissement ( et Noces) … Godot ( « parle moi du sous sol. ».. il faut me renvoyer un peu la balle de temps en temps Gogo « ) ( Ernaux Modiano PARFAITS je reste sur le seuil j’y arrive pas) Elis Island la mémoire qui s’agrandit d’un coup. Antigone oui mais pour moi Sophocle …Plath le journal un peu… les poèmes beaucoup (et la cloche de détresse) des rapprochements idiots d’ado ( suis née un 11/02 s’est suicidée un11/02) Edouard Levé OUI…et Patti libre dans ses associations et ses collages
merci beaucoup nathalie pour ton retour détaillé et ce repartage des titres que nous partageons me semble-t-il, sauf ernaux et modiano, spéciaux mais oui faut rentrer dedans…
à très vite pour d’autres partages
Merci pour ces pistes de lecture aussi. Me rendre compte que dans la mienne j’ai oublié Ernaux, Duras et Modiano. Fou ! Et l’espoir d’une fin différente quand on relit… Oublié Mauvignier et pourtant même fascination que vous.
merci Anne pour avoir lu cette liste qui plus je la relis, plus je me rends compte que j’ai oublié des auteurs qui ont aussi eu beaucoup d’importance dans mon parcours. mais les listes sont faites pour se poursuivre dans le temps. en fait, je suis partie d’auteurs qui ont surtout influencé mon écriture ou du moins m’ont permis de me poser des questions
l’éblouissement… la gifle… l’été… je comprends ce besoin d’y revenir et je me dis qu’il doit y avoir un génie dans chaque livre qu’ainsi on ouvre — je ne parle pas du génie de l’auteur, mais d’un génie propre à qui le lit, un démon personnel
n’est-ce-pas christophe!!! un génie et de la magie aussi… se sentir bien dans les mots qu’on lit ou bousculé aussi, avoir des sensations, se sentir en vie!
Toujours heureuse de retrouver « L’Etranger » en ouverture… je l’ai relu aussi plusieurs fois. ça fait plaisir de trouver les contemporains vivants : Maylis de Kerangal bien sûr ! et Mauvignier … ! (de lui surtout « les hommes » et curieusement « commencer à finir » qui est je crois son premier roman)… et Prévert et le bruit de son oeuf dur sur le comptoir… Merci pour le partage !
merci pour ton retour béatrice! que d’ouvertures avec ces partages de livre, lecture, auteurs!!!
La première année ❤ ! Merci pour cette belle liste !
merci jeanne, très touchée. ce sont de belles rencontres d’écriture