Sentimenthèque
ou plutôt : Sentimentsthèque
ou encore Partir avec…
Avec Charles Juliet, un ami illustrant à l’encre le Lire, écrire, emmenant le lecteur dans les strates du désir d’écrire, de l’envie de lire, de la voix à entendre, de la voix à énoncer.
Avec Paul Auster, parcourir les variations autour du thème, dans 4321, défendre le droit d’écrire et réécrire autrement, pour dire pareil mais pas tout à fait, pour faire glisser l’histoire du roman vers l’Histoire, pour ajouter ou soustraire l’élément — personnage, date, lieu — qui fera muter le récit et ses avatars.
Avec Marguerite Duras, la rejoindre dans sa Vie Matérielle, dans son intimité donnée en partage, sa phrase devenant support de la brièveté de moments incontournables, nécessaires, d’une tension vers l’oralité. Toujours envie de lire à voix haute, encore, Duras.
Sans honte, avec Régine Deforges et les trois tomes de la Bicyclette bleue, lus en un jour un été, presque nue dans le canapé, parce que pas question de sortir, il fait trop chaud dehors.
Avec Jim Harrison et sa Dalva, matrice de tous les autres personnages féminins de l’auteur :la force des femmes, ténacité et résistance. On ne disait pas encore résilience, et c’est tant mieux. On disait volonté, entêtement, on disait espaces, ailleurs. On sentait voyage, éveil, découverte.
Tombée en amour d’Holden Caulfield, du personnage ou bien de cette écriture si particulière de Salinger ? Lu et relu sans doute une bonne dizaine de fois, un coup en traduction, un coup en VO, et encore et toujours présent, sous les yeux. Est-ce ce qu’on appelle un livre de chevet ?
Avec encore les listes d’adjectifs de Maylis de Kerangal dans La Naissance d’un Pont, sa jungle de tous les verts, son héros de toutes les masculinités, son chantier de tous les dangers, ses mirages et ses rêves, perdus, retrouvés, infinis.
Avec Échenoz en Équipée Malaise. Lu et acheté tous les autres, les avant, les ensuite. Ne jamais rater une sortie Échenoz, attendre le suivant, plaisir de l’objet blanc et bleu, de la brièveté asséchée de l’écriture qui dit tout ce qu’elle a à dire en si peu de pages, de mots, de moments. Quelques déceptions vite oubliées. Quand on aime, on compte pas !
Avec Pérec, suivre le Mode d’emploi de l’immeuble, le revisiter à intervalle régulier, souvent par bribes, y penser devant et dans les autres immeubles (cf Yacoubian -Alaa al-Aswany ) ou de cinéma (cf Escalier C – J. C Tachella)
Avec les auteurs de ‘mauvais genres’, de polars. Ceux qu’on nomme désormais ‘polars ethniques’, Afrique du Sud (Deon Meyer ), Norvège (Nesbo), Louisiane (J.L Burke), grands espaces du Wyoming (C. Johnson), Islande (Indridasson)…. Et puis l’ethnicité espiègle de Fred Vargas qui métamorphose sans barguigner un environnement qu’on croyait familier, que la folie guette, qui nous trompe.