Qu’est-ce que je fous là? Qui m’a appelé? Encore lui. Se momifie, respire à peine, allume, regarde partout, chaque fente, chaque béance même la plus minuscule, éteint, quelque chose a vacillé, rallume. Il l’a appelée deux fois, elle sait et pourtant se moque, lui dit que je n’existe pas, qu’il n’y a rien. Je ris. Je n’ai pas de bouche, pas de gorge à déployer, pas de souffle et je ris. Ils ignorent que certains d’entre nous se marrent, se haïssent, se craignent, baisent et se crachent à la gueule. Ne savent pas pourquoi, pas comment, pas quoi. Insupportable. Ne soupçonnent pas que nous ne cherchons que des mots. Tout le temps, partout, chacun d’entre nous. Les mots nous appellent depuis les ventres. Les plis des nouveaux-né en regorgent. C’est quoi ce bruit? J’espère que je suis seul. Ses mots sont à moi. Pas envie de me battre ce soir. Il est terrorisé. Je sens son haleine qui aspire à la paix, déjà. Il transpire, résiste. Ne t’inquiète pas, ouvre les yeux tu ne me verras pas. Là, entre deux grains, sous ces veines, là où le colon cherche la bonne température, juste là, les mots attendent d’être cueillis. Il sent ma présence, ne sais pas que je me sers. En échange, je poserai là cette nuit encore une sorte de moteur très fragile, léger comme une plume et friable comme le charbon.
Chercher le mur tout blanc tiens voilà voilà ça y est je le tiens. Mettre le drap là sur le haut de l’épaule faut qu’il soit bien collé à la nuque. Attraper la lumière des nuages et surtout leur douceur qui donne faim comme quand j’ai envie de vomir je m’enveloppe, ils ressemblent un peu à des moutons ne pas penser aux dents des moutons. Penser au coton. Je vais lui dire que j’ai faim mais elle ne va pas me croire elle devine tout. J’espère que je ne vais pas encore rêver de requins. Ne pas faire de bruit pour ne pas l’attirer. Je suis sûr qu’il m’a déjà repéré. Penser au foot. Au match. Voilà. J’ai froids aux yeux, je sais que si je les ouvre je ne verrai rien, je le sais. J’ai froid aux yeux c’est vraiment bizarre. Je vais l’appeler lui dire que j’ai mal à la tête. Elle va me regarder avec ses yeux et deviner que c’est pas vrai. Qu’est ce que c’est que ce bruit-là ? Je ne bouge plus. Je vais allumer mais pour ça il faut sortir le bras. J’espère que les requins vont pas encore me grignoter. Passer la nuit, qu’elle aille vite, qu’elle se dépêche. Pourquoi est-ce qu’il faut toujours dormir tout seul?
Me plonger dans les bras rien à foutre de ma peau en ruine me plonger dans les bras tiens la machine est finie il faut que je l’étende tous ces mails pourquoi vouloir répondre tout de suite besoin qu’on ne m’attende plus un monde où personne n’attendrait plus personne ce serait parfait. C’est lui qui a appelé ? Non sans doute le petit voisin ils les couchent tard leurs enfants ils sont plus sympas que le mien ces enfants et pourtant ils dorment peu est-ce qu’il a bien mis sa couverture? Je m’en fous. J’aimerais ne plus avoir à attendre je déteste attendre mes aisselles sont froides. J’espère qu’il va s’endormir. Il me dérange je suis la seule à être dérangée par son enfant ? Tiens un texto, ce serait pas lui? Non. Me plonger dans les bras rien à foutre. C’est quoi ce bruit ? Je me demande s’il va arriver très en retard je vais étendre le linge ça va passer le temps j’aimerais m’en foutre certaines personnes ont l’air de s’en foutre ont l’air si tranquilles qu’il est beau ce coucher de soleil. Je n’ai pas envie d’être là. Une part de moi n’a pas envie d’exister
Volubile. Elle a dit volubile et j’ai regardé sur google en cachette. Je ne sais déjà plus ce que ça veut dire. Tout ce que je lis je l’oublie. Elle a l’air de tout retenir, elle est trop vivante parfois. Volubile. Pourquoi j’ose pas lui dire que je ne comprends pas tout ce qu’elle dit ? L’odeur est bizarre dans cet escalier, à chaque fois que je viens cette odeur me ramène quelque part. Là c’est de la bouffe c’est sûr, mais il y a cette chose en plus dans les murs. Ils sont dégueulasses ces murs. Ressaisis-toi. Elle dit que j’arrive chez elle toujours trouble elle m’observe comme si elle cherchait un noyau mais ça n’a rien à voir avec elle c’est cette odeur. Et sans doute tout ce que j’ai fumé. Oui évidemment. Si j’avais un noyau il ressemblerait à celui de l’avocat qu’on ouvre déçu parce qu’il est pourri, un peu flétri, mou. Faut que j’arrête de fumer. Elle me fait peur et ça je lui dis pas non plus je vais pas prendre l’ascenseur ça va me détendre de monter à pieds je vais même essayer d’aller vite oh putain la vache j’espère que la bouteille est pas cassée non ça va. Pourquoi j’ai fumé autant, faut vraiment que j’arrête.
* L’Iliade, Homère (je ne sais plus quel chant)
Très sensible à votre écriture, je suis votre projet avec attention. Ces voix sont surprenantes, vraies. La deuxième voix, sans doute parce que les nuages, me plait tout particulièrement.
Merci Alice, celui-ci me semblait pourtant si chiffonné que je ne pensais pas qu’il toucherait quiconque
Rétroliens : #L5 | Au sol – Tiers Livre, explorations écriture