Belle et Pom’
Nous ? Belle et Pom’, on ne le connait pas depuis longtemps. Ils nous a adoptés il y a tout juste quatre mois. Moi, je suis Belle et elle, Pom’ c’est ma fille. Nous sommes deux chattes noires. nous pouvons vous dire que c’est un bon maître. Je parle en connaissance de cause. J’ai été hébergé avant chez une psy quelque chose mais après avoir mis bas, il a fallu que je taille la route. mes deux autres bébés ont trouvé une bonne maison mais il n’a pas voulu nous séparer, moi et ma fille, qui semblait plus fragile. Elle s’est rattrapée ma Pom’. Nous sommes très bien avec lui. Il est chouette notre IL.
À la biscuiterie de la Pointe du Raz
Je ne l’ai pas vu depuis… depuis cinq ans, cela fait beaucoup mais je ne l’ai jamais oublié.
En plus, deux fois par an, je lui envoie toujours le même colis. Il contient deux pots de Carabon – vous savez ce délicieux caramel au beurre salé dont on tartine nos crêpes, tartines, gâteaux, glaces, etc. cela vous met l’eau à la bouche, avouez-le – trois paquets de crêpes dentelle nature – il m’avait dit que celles au chocolat n’étaient pas sa tasse de thé – et surtout trois gâteaux bretons dont un décliné au caramel au beurre salé – il m’avait dit que le caramel au beurre salé lui rappelait plein de souvenirs d’enfance – j’ajoutais toujours ma surprise, la surprise du chef, de la Biscuiterie de la Pointe du Raz. La dernière était une verrine de mousse de confit de Saint-Jacques. J’ai hâte de le revoir celui que je surnomme IL, comme l’île de Sein que je lui ai fait découvrir.
Lilas59, CC BY ND NC 2.0
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Ma bohème – Arthur Rimbaud
Au moins une fois par an, je l’ai vu, avec son livre assis devant sa tombe. Cela fait trente-sept ans que j’office ici. Il lisait ses mots, il s’en délectait. Il tournait les pages, lisait, relisait. Parfois je l’ai vu pleuré et je ne pouvais rien faire. Je suis persuadé que chaque semaine, dans la boîte aux lettres que je prends soin de relever chaque lundi, une des lettre vient de lui. Moi, je suis Bernard Colin, gardien du Cimetière Boutet de Charleville-Mézières (en 2019). Et lui, c’est IL comme je l’appelle et à qui j’ai fini par adresser la parole, le 14 juillet dernier. Je me suis assis près de lui, sur le banc, juste en face de la tombe. Cent-trente ans que le grand poète a disparu. Personne ne l’a oublié ni ne l’oubliera.
La chambre est pleine d’ombre ; on entend vaguement
De deux enfants le triste et doux chuchotement.
Leur front se penche, encore alourdi par le rêve,
Sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève…