Elle ne savait pas si c’était un vaurien. Elle se dit ça un peu comme ça en passant mais ça ne correspond à rien, rien de tangible et d’intelligent. En tout cas il lui plaît bien avec son sac à dos et sa tête ronde. Elle a l’impression qu’il la regarde et elle ne sait pas très bien comment se comporter. Que doit-elle faire ? Elle a l’impression qu’il rigole d’elle avec son acolyte, celui qui l’accompagne et avec lequel il discute. Il était à une vingtaine de mètres d’elle. Il était devant elle, assis dans l’herbe avec son sac à dos et son regard en coin. Il avait accroché son regard et elle regardait ses joues et son cou. Ce sont ses joues et son cou qu’elle regardait, et son sac à dos. Elle avait regardé dans sa direction à lui et c’était une drôle de sensation qui l’avait attrapée. Elle l’avait longtemps regardé mais elle se sentait un peu coincée car elle ne croyait pas en elle. Et puis, elle s’était jurée fidélité. Elle s’était jurée qu’il ne fallait pas qu’elle se perde de vue. Elle était un peu recroquevillée comme ça dans sa coquille. Elle vivait dans sa bulle de célibat, sa petite cellule dans laquelle elle s’était installée confortablement après des années d’attermoiements. Alors elle ne voyait pas pourquoi ce garçon la regardait elle si ce n’est pour se moquer d’elle. C’est dommage parce qu’il lui plaisait bien. Il avait l’air sympathique et détendu. Il avait l’air agréable et donc il ne pouvait pas s’intéresser à elle. Elle, elle préférait sa petite cellule de célibat. C’était plus simple et elle se posait moins de questions. Elle aimait les choses simples et directes. Surtout dans les rapports avec les gens. Tout ce charabia sur les rapports féminin-masculin l’ennuyaient profondément. Elle n’y trouvait pas son compte. Il fallait qu’elle se rende compte qu’elle n’était attendue par personne quelque part. Elle était seule un point c’est tout. Pas besoin de féminin-masculin, pas besoin de féminin. Elle était entière en étant seule. Elle n’avait pas besoin de moitié puisqu’elle était une et indivisible. Elle n’était soluble dans aucun café. Elle n’était soumise à rien d’autre qu’à elle-même et à sa peur du masculin. Et ça, elle n’y pouvait rien.